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Centrafrique, Mali: le délicat financement des "opex" de l'armée française

Des soldats français à Bangui, le 13 décembre 2013 [Fred Dufour / AFP] Des soldats français à Bangui, le 13 décembre 2013 [Fred Dufour / AFP]

L'intervention française en Centrafrique, moins d'un an après celle déclenchée au Mali, ranime le débat autour du financement des opérations extérieures de l'armée française, exercice budgétaire toujours délicat dont les dépenses d'équipement de la Défense sont la victime favorite.

L'opération Sangaris, déclenchée le 5 décembre pour rétablir la situation à Bangui, "n'est pas financée. Cela va coûter 100 millions d'euros à la France, il faut le dire", affirme Hervé Morin, ex-ministre de la Défense et député (NC) de l'Eure.

Au sommet de l’État, on évoque une somme d'environ 150 millions en prenant comme hypothèse une année d'intervention. "Ce n'est pas cette somme qui en soi pose problème", assure-t-on à l'Elysée.

Souvent décidées dans l'urgence, les opérations extérieures de l'armée épousent mal le calendrier budgétaire. Pour le Mali, l'opération Serval, dont la Cour des comptes évaluait fin novembre le coût total à 647 millions d'euros, a été déclenchée le 11 janvier. Soit quelques jours après la promulgation du budget 2013 qui prévoyait une enveloppe de 630 millions d'euros pour les "opex".

Résultat: en 2013, "la consommation réelle de crédit est de 1,2 milliards d'euros. Il a donc pratiquement fallu doubler la mise", souligne Gilles Carrez, président (UMP) de la Commission des finances de l'Assemblée. Pour 2014, "alors qu'on est au Mali et depuis quelques jours en Centrafrique, l'inscription en loi de finances initiale est de 450 millions d'euros. Il est d'ores et déjà évident que ce montant représente à peine la moitié, peut-être même le tiers de ce dont nous aurons besoin en 2014", s'inquiète-t-il.

Le surcoût des "opex" (8.450 militaires actuellement concernés sur les différents théâtres) est d'abord financé par une ligne inscrite dans le budget initial. Cette somme de 450 millions d'euros pour 2014 correspond à celle inscrite dans la loi de programmation militaire 2014-2018 qui vient d'être adoptée par le parlement. Le reste fait en cours d'année l'objet d'un financement interministériel.

"Enfumage budgétaire"

Ce second mécanisme met les "opex" à l'abri des problèmes de financement. Mais en pratique, ces opérations forcément coûteuses font une autre victime régulière: les crédits d'équipement du ministère de la Défense.

"L'année dernière nous avons gelé un certain nombre de crédits, ce qui nous a permis de financer l'opération au Mali sans que cette dernière ne contribue à dégrader notre solde ou à fragiliser la trajectoire de nos finances publiques", a rappelé Bernard Cazeneuve, ministre du budget, jeudi à l'Assemblée.

Avec l'opération Serval au Mali, et sans compter les dysfonctionnements majeurs du logiciel de paie Louvois, l'année 2013 n'a pas échappé à la règle. "Les dépenses d'équipement jouent donc, comme chaque année, le rôle de variable d'ajustement au profit de la masse salariale et des opex", relève la Cour des comptes.

"C'est un enfumage budgétaire classique dont les spécialistes de Bercy ont le secret et qui concrètement se traduit par des annulations de crédit pour le matériel en cours d'année. Comme il est difficile de couper ailleurs, on tape dans le régalien, ce qui est catastrophique", affirme Pierre Lellouche, député (UMP) de Paris qui plaide pour la création d'un fonds européen permanent pour financer les "opex".

Depuis le Brésil, François Hollande a repris cette idée, qu'il entend soumettre au Conseil européen à Bruxelles en fin de semaine. En ces temps de difficultés budgétaires, l'argument du manque de soutien européen est porteur. Le chef de file des sénateurs PS, François Rebsamen, demande que le surcoût des "opex" décidées au nom de la communauté internationale ne soit pas pris en compte dans le calcul du déficit budgétaire.

"La situation est devenue insupportable sur le plan financier mais aussi sur le plan politique: nous sommes de facto devenus les mercenaires gratuits des pays de l'Union européenne qui regardent ailleurs quand il y a des problèmes majeurs intéressant la sécurité du continent", dénonce M. Lellouche. "Car nous n'intervenons pas en Afrique par je ne sais quel mercantilisme, mais contre le risque d'instabilité régionale et d'implantation de foyers terroristes ou islamistes radicaux qui peuvent avoir des conséquences sur l'Europe" dit-il.

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