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Le mouvement hétéroclite des "Bonnets Rouges"

Manifestation des "bonnets rouges" pour l'emploi et contre l'écotaxe, le 2 novembre 2013 à Quimper [Fred Tanneau / AFP/Archives] Manifestation des "bonnets rouges" pour l'emploi et contre l'écotaxe, le 2 novembre 2013 à Quimper [Fred Tanneau / AFP/Archives]

Au-delà de la classique division gauche-droite, le mouvement des "Bonnets Rouges", qui a manifesté samedi à Quimper, est un mélange complexe, composé à la fois de libéraux mais aussi de militants de gauche comme de défenseurs d'un véritable pouvoir politique breton.

Dans ce mouvement, "assez populaire" dans sa composition, "le clivage habituel gauche-droite ne fonctionne pas" mais "c'est davantage qu'un simple rassemblement hétéroclite", relève Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS et enseignant à l'lnstitut d'études politiques de Rennes.

A Quimper, lors d'un rassemblement qui a réuni entre 15.000 et 30.000 personnes, les observateurs ont été surpris par la diversité des participants: patrons, salariés d'entreprises en difficulté, agriculteurs, syndicalistes, quelques élus (plutôt de droite), simples citoyens, tous réunis sous une forêt de drapeaux bretons et une marée de bonnets rouges.

"Au départ, on trouve une revendication sectorielle qui s'est progressivement régionalisée et qui a pris la forme d'une coalition régionale assez diverse", observe le chercheur, en énumérant: "aux patrons du départ, qui s'opposaient à ce qui leur apparaissait comme une taxe supplémentaire (l'écotaxe, ndlr), le mouvement s'est élargi aux salariés des entreprises, aux artisans, aux marins-pêcheurs, pour prendre la forme d'une union régionale face au pouvoir national, parisien, jacobin dans ce qu'il a parfois de fantasmé".

Cette capacité à surmonter le clivage gauche/droite afin de "construire un mode d'action capable d'aller au-delà des antagonismes (...), c'est quelque chose qu'on retrouve assez régulièrement dans l'histoire bretonne": la révolte anti-fiscale des fameux Bonnets Rouges, en 1675, dont se revendiquent les manifestants actuels, mais aussi le Célib (Comité d'études et de liaison des intérêts bretons) qui, dans les années 1950, a porté devant l’État un projet de développement économique pour sortir la Bretagne du sous-développement, rappelle M. Pasquier.

Le mouvement est maintenant "à la croisée des chemins". La question, souligne le chercheur, porte sur "sa capacité à porter des propositions dans le cadre de la négociation politique qui va s'engager".

 

 

 

Les syndicats divisés

"Il faudrait un leadership et une ingénierie institutionnelle pour négocier avec l’État", d'autant que le mouvement peut difficilement compter sur les élus, pris dans le jeu politique institutionnel classique, souligne-t-il. "Le Célib, à l'époque, avait une réflexion, s'appuyait sur un travail approfondi, des experts, des éléments qu'on ne retrouve pas dans ce rassemblement", observe M. Pasquier. D'où la question: "seront-ils capables d'arracher à l’État autre chose que quelques millions d'euros?"

"Ce qui apparaissait à Quimper, relève l'historien Jean-Jacques Monnier, c'était la gravité, la tristesse, le désarroi de beaucoup de participants. Beaucoup d'entre eux étaient des gens très modestes, des gens de la base, très peu de bobos".

Thierry Merret, président de la FDSEA (Micro) entouré de syndicalistes et du maire Carhaix-Plougher Christian Troadec, tous coiffés de bonnets rouges le 2 novembre 2013 à Quimper  [Fred Tanneau / AFP/Archives]
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Thierry Merret, président de la FDSEA (Micro) entouré de syndicalistes et du maire Carhaix-Plougher Christian Troadec, tous coiffés de bonnets rouges le 2 novembre 2013 à Quimper
 

Le front syndical était le plus clivé. FO, dont les représentants sont très en pointe dans les entreprises en difficulté telles que le volailler Doux ou l'abattoir Gad, était très présent. La CGT avait appelé à participer au contre-rassemblement organisé le même jour à Carhaix, à 70 km, mais son fanion était pourtant dans le rassemblement à Quimper.

En revanche, la CFDT, très implantée dans l'agro-alimentaire en crise, avait intimé à ses adhérents de ne participer à aucun des deux rassemblements.

Le tissu associatif du centre-Bretagne, une région rurale particulièrement malmenée par la Réforme générale des politiques publiques (RGPP) mise en œuvre sous la présidence de Nicolas Sarkozy, était très représenté. Il faut dire que le rassemblement était lancé par le comité "Vivre, décider et travailler en Bretagne", emmené notamment par Christian Troadec, maire (DVG) régionaliste de Carhaix, commune qui s'est mobilisée avec succès il y a quelques années pour conserver sa maternité.

L'ensemble des formations politiques bretonnes, des autonomistes aux indépendantistes, en passant par les fédéralistes européens, étaient représentées, de même que des associations de promotion de la langue et de la culture bretonnes ainsi que des militants pour la réunification de la Bretagne avec la Loire-Atlantique.

Pour Yves Pelle, président du Parti Breton, une formation centriste, "on avait envie, à Quimper, de voir davantage ce qui nous unissait que ce qui nous éloignait".

 

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