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Hugues Moutouh : "Merah, une enquête réussie"

L'avocat Hugues Moutouh est l'ancien conseiller de Claude Guéant. L'avocat Hugues Moutouh est l'ancien conseiller de Claude Guéant.[R.P.Ribiere]

En mars 2012, Mohamed Merah semait la terreur dans la région toulousaine et tuait sept personnes.

 

Un an et demi après les faits, l’avocat Hugues Moutouh, alors conseiller spécial du ministre de l’Intérieur Claude Guéant, revient sur la traque du tueur dans “168 heures chrono : la traque de Mohamed Merah”. 

Une plongée au cœur de l’enquête la plus importante depuis les attentats de 1995.

Quel est votre souvenir le plus fort de cette affaire ?

C’était dans la nuit du 20 au 21 mars, lors de la première tentative d’interpellation. Nous étions à deux cents mètres de l’appartement lorsque le Raid a tenté d’entrer. Puis nous avons entendu des détonations et appris que deux hommes étaient à terre. Une montée d’adrénaline hors du commun.

 

Les pistes ont été nombreuses jusqu’à son arrestation…

Dans cet ouvrage, j’ai essayé de faire abstraction de tout ce que j’ai pu apprendre par la suite. Rien n’est évident dans une enquête, il y a énormément de pistes à suivre. Quand le responsable est interpellé, il est coutume de dire qu’on aurait pu l’interpeller plus tôt. Mais non. Nous ne sommes pas dans les “Experts”. Les enquêtes réelles sont longues et minutieuses. Il faut se plonger dans la paperasse, éplucher des numéros, des chiffres. Rien que pour Montauban, 9 000 heures de vidéo ont été visionnées. Un vrai travail de fourmi. 

 

Après les tueries, l’enquête a fait l’objet de nombreuses critiques...

Tous les spécialistes du dossier le pensent : l’enquête Merah est une enquête réussie. Elle n’a pas commencé le 11 mars (date du premier meurtre), mais le 15, après la tuerie de Montauban. Et la décision d’aller appréhender Merah a été prise le 20 à midi. Soit peu de temps après.

 

Combien d’hommes étaient mobilisés ?

En ne comptant que les enquêteurs, 200 à 250 personnes. La Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ) est un rouleau compresseur qui emporte tout sur son passage. Ils ont abattu un travail prodigieux.

 

Pouvait-on identifier Merah plus tôt ?

Malheureusement non. Nous n’avons eu la certitude que Merah était l’auteur des faits qu’au moment où il a tiré sur le Raid et revendiqué ses crimes. Jusqu’alors, son profil était intéressant mais sans plus : celui d’un islamo-délinquant non rattaché au jihadisme. Il y avait en France, et en Midi-Pyrénées, des gens au “pedigree” bien plus inquiétant.

 

On a reproché au Raid de ne pas l’avoir capturé vivant...

Les hommes du Raid ont évolué dans un petit appartement, avec 20 cm d’eau et des détritus au sol, en pleine obscurité, contre un tueur très déterminé leur tirant dessus à 1,50 m de distance. Un vrai diable sorti de sa boîte. Les faits, que je raconte en détails, montrent que cette polémique était non seulement infondée mais indigne. 

 

Votre témoignage fait ressortir le côté humain des hommes du Raid…

Ils ont beau être de grands professionnels, ils connaissent aussi la peur. Lors des briefings avant l’assaut, les hommes s’ouvrent, osent parler de leurs craintes. Mais ils sont courageux et remplissent leur mission : rentrer dans l'appartement de Merah et tout faire pour le prendre vivant alors qu'il cherche, lui, à les tuer.

 

Par quoi avez-vous été frappé concernant Merah lui-même ?

La complexité de sa personnalité. Merah est à mi-chemin entre le terroriste, dont il a le discours, et le serial-killer. 

 

Quel était votre état d’esprit lors de cette semaine ?

L’angoisse. Nous avions affaire à un tueur qui allait recommencer. Mais où ? À la sortie d’une synagogue, d’une église ? Nous ne savions pas.

 

Vous dites dans votre ouvrage qu’une partie de vous est restée là-bas. Pourquoi ?  

J’ai compris beaucoup de choses, et notamment que la police est une affaire sérieuse, une affaire de vie et de mort. On est investi à 200%, et même une campagne présidentielle paraît fade à côté. Pendant quinze jours après l’affaire Merah, j’ai vécu en total décalage, n’arrivant pas à m’adapter après de telles décharges d’adrénaline.

 

Et concernant le ministre de l’Intérieur et le Président ?

Ils ont été très professionnels. Claude Guéant n’a jamais mis de mauvaise pression, et Nicolas Sarkozy a fait preuve d’un grand sang-froid. Ils connaissaient les hommes mobilisés, et savaient qu’ils donneraient le meilleur. 

 

L’affaire a-t-elle eu une influence sur l’élection présidentielle qui a suivi ?

La France a été choquée. Une telle affaire percute une campagne présidentielle, et personne n’en sort indemne. Elle a donc brisé un élan, mais n’a profité à aucun des candidats.

 

Pourquoi l’enquête semble au ralenti aujourd’hui ?

Je pense que Merah a agi seul. Ces meurtres sont le fait d’un tueur en série isolé, qui n’appartenait à aucun réseau organisé. D’où la difficulté de trouver d’éventuels complices.

 

 “168 heures chrono : la traque de Mohamed Merah”, éditions Plon, 16,90 euros.

 

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