En direct
A suivre

Surpopulation et chaleur, le cocktail de l'été en prison

L'entrée du centre de détention 2 du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, le 29 avril 2010 [Jean-Philippe Ksiazek / AFP/Archives] L'entrée du centre de détention 2 du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, le 29 avril 2010 [Jean-Philippe Ksiazek / AFP/Archives]

Le début de mutinerie au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse jeudi illustre l'effet de la chaleur sur l'humeur des détenus mais aussi, plus largement, la multiplication des incidents dans les prisons françaises liée aussi à une surpopulation record.

Une vingtaine de détenus se sont livrés à des dégradations dans une coursive du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse quand les surveillants leur ont refusé de sortir en short pour la promenade, en application du réglement. L'incident a été circonscrit rapidement et plusieurs détenus transférés au quartier disciplinaire.

De sources concordantes, aucun autre incident attribuable à la température, qui a dépassé 30 degrés sur plus de la moitié de la France, n'a été répertorié en fin de semaine.

Mais comme chaque année depuis 2003, une circulaire de l'administration pénitentiaire a été transmise aux chefs d'établissement pour rappeler les mesures à prendre en cas de forte chaleur, notamment l'installation de points d'eau supplémentaires et la possibilité de douches plus fréquentes.

Les chefs d’établissements pénitentiaires ont adressé, dès début juillet, un courrier aux préfets pour les "sensibiliser à la nécessité d’informer les sites pénitentiaires du déclenchement de l’alerte canicule", rappelle Yves Lechevallier, directeur interrégional des services pénitentiaires de Bretagne, Basse-Normandie et Pays-de-Loire.

A ce jour, le plan canicule a été déclenché par les préfets du Rhône et de l'Isère "et donc dans les établissements de ce ressort", indique la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP).

"Avec la chaleur c'est tendu, avec le ramadan aussi", constate Blaise Gangbazo, secrétaire CFTC du CHSCT de la maison d'arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis). "Quand les détenus vont en promenade, on a du mal à les faire rentrer. Quand ils ont droit à des activités, ils préfèrent aussi rester sur les terrains de sport plutôt que de rentrer dans leurs cellules", explique-t-il.

"Aucun investissement pour l'isolation des maisons d'arrêt n'est fait. Si les détenus ont trop froid ou trop chaud, c'est leur problème", déplore Me Randall Schwerdorffer, avocat à Besançon.

"Promiscuité honteuse"

Pour autant, de l'avis général, la chaleur ne constitue pas, à elle seule, un motif de passage à l'acte pour les détenus.

"La surpopulation pénale, c'est plutôt ça, le problème", fait valoir Jean-François Forget, secrétaire général de l'Ufap-Unsa, premier syndicat pénitentiaire. Le nombre de détenus a atteint, début juillet, un nouveau record, le troisième en autant de mois, à 68.569, pour seulement 57.320 places.

"Chaque détenu en trop a une influence immédiate sur l'organisation de la prison, que ce soit l'accès aux soins, à la nourriture ou aux parloirs", explique Christophe Beaulieu, délégué interrégional FO pour l'Aquitaine, le Limousin et Poitou-Charentes.

"A Sequedin (Nord), c'est assez tendu du fait de la surpopulation, la chaleur n'arrange rien. On a un peu plus d'interventions, les détenus entre eux s'énervent beaucoup plus, ça déclenche des bagarres", explique Christophe Hermant, délégué syndical Ufap-Unsa.

A la chaleur et la surpopulation s'ajoutent souvent la légère baisse des effectifs surveillants du faits des congés estivaux, couplée à une petite hausse saisonnière de l'absentéisme.

"C’est une période qui exacerbe les tensions, sur fond de chaleur et de promiscuité honteuse dans les prisons, qui crééent une situation potentiellement explosive", souligne l'avocat marseillais Emmanuel Molina.

Au-delà, plusieurs syndicalistes dénoncent la multiplication des incidents dans les prisons, qui serait, selon eux, le symptôme d'une évolution profonde.

"Pour un oui ou pour un non, ils vous prennent en otage, ils font des débuts de mutinerie. Je veux téléphoner à ma femme? Je prends un gardien en otage", assure M. Forget, citant les récents événements d'Arles (mi-juin), Saint-Quentin-Fallavier (début juillet) et Moulins-Yzeure (mi-juillet).

"On va avoir une prise d'otage pour demander un parloir. Ils vont à l'extrême pour tout et pour rien", abonde Valérie Brunet secrétaire général adjoint de FO-Pénitentiaire, qui voit là les effets néfastes, selon elle, de la loi pénitentiaire de 2009.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités