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Le juge Gentil fragilisé

Le juge Jean-Michel Gentil. Le juge Jean-Michel Gentil.[AFP]

Les avocats des principaux mis en examen du volet abus de faiblesse de l'affaire Bettencourt ont dénoncé jeudi la proximité, révélée par Le Parisien, entre le juge Jean-Michel Gentil et un médecin expert du dossier, évoquant "un conflit d'intérêt manifeste".

Dans ce communiqué commun, les avocats, notamment de Nicolas Sarkozy, Eric Woerth, Patrice de Maistre, François-Marie Banier, Stéphane Courbit et Pascal Wilhelm indiquent que "les liens de proximité anciens et très étroits" révélés par Le Parisien entre l'expert légiste Sophie Gromb et le couple Gentil "caractérisent un conflit d'intérêt manifeste qui jette la suspicion sur l'impartialité de l'expertise sur laquelle repose la procédure d'instruction".

Notant que cette "proximité" est d'"autant plus troublante qu'une demande de dépassement d'honoraires a été sollicitée par" Mme Gromb et "accordée par le seul juge Gentil" en août 2011, ils estiment qu'il appartient désormais" au procureur de Bordeaux "de tirer toutes les conséquences de ces atteintes aux droits de la défense et au droit au procès équitable qui a entravé la manifestation de la vérité".

Le parquet de Bordeaux, sollicité par l'AFP, n'a pas souhaité réagir jeudi.

Selon Le Parisien, Mme Gromb, chef du service de médecine légale du CHU de Bordeaux, aurait été témoin au mariage de M. Gentil avec sa femme Isabelle, vice-procureur de la République à Bordeaux, le 30 juin 2007 à Mérignac (Gironde).

Sophie Gromb à Cornebarrieu (sud ouest), le 10 janvier 2004 [Georges Gobet / AFP/Archives]
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Sophie Gromb à Cornebarrieu (sud ouest), le 10 janvier 2004
 

Cette information a été confirmée à l'AFP par une source proche du milieu judiciaire bordelais. Cette source a ajouté que le couple Gentil avait aussi assisté au mariage de la légiste quelques années plus tard.

Mme Gromb a participé le 7 juin 2011, avec quatre autres experts, à l'expertise psychiatrique réalisée sur Liliane Bettencourt. Ce jour-là, selon Le Parisien, elle serait même restée seule 35 minutes avec M. Gentil et Mme Bettencourt, dans la chambre de celle-ci à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), avant que les autres experts ne les rejoignent.

A l'issue de cette expertise aux conditions contestées par la défense, car menée au saut du lit et sans préavis sur une très vieille dame sourde et un peu désorientée, il avait été établi que Mme Bettencourt n'avait plus toutes ses facultés depuis septembre 2006.

Cette date couvre notamment la campagne présidentielle de M. Sarkozy début 2007.

C'est sur la base de cette expertise, pièce maîtresse du dossier, que le parquet de Bordeaux avait ouvert en septembre 2011 une information pour abus de faiblesse, qui a abouti à la mise en examen d'une douzaine de personnes, dont l'ex-président.

"Une grave erreur"

L'information du Parisien est publiée une semaine avant l'examen par la cour d'appel de Bordeaux d'éventuelles demandes de nullité de procédure soulevées par les avocats de la défense.

Nicolas Sarkozy à la sortie du palais de justice de Bordeaux le 22 mars 2013 [Pierre Andrieu / AFP]
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Nicolas Sarkozy à la sortie du palais de justice de Bordeaux le 22 mars 2013
 

Interrogée par le quotidien, Mme Gromb a qualifié M. Gentil de "type bien", mais s'est retranchée derrière la protection de la vie privée pour ne pas répondre aux questions sur sa présence comme témoin à son mariage. Elle n'avait pu être jointe par l'AFPjeudi après-midi.

L'avocat de M. Gentil, Me Rémi Barousse, a pour sa part indiqué à l'AFP ne pas être au courant de cette affaire et n'avoir aucun commentaire à apporter.

"Le juge Gentil a commis une grave erreur en nommant Mme Gromb et c'est d'autant plus surprenant que c'est quelqu'un de très droit", a estimé une source proche du milieu judiciaire bordelais, ajoutant que, dans ces conditions, elle aurait dû refuser de la faire.

La révélation d'une proximité entre l'experte et le juge pourrait être pain bénit pour les avocats des mis en examen.

Avocat de M. de Maistre, l'ancien homme de confiance de Mme Bettencourt, Me Pierre Haïk a estimé auprès de l'AFP que "cette information, si elle devait être avérée, serait gravissime, surtout de la part d'un juge toujours très précautionneux sur les conflits d'intérêt".

Liliane Bettencourt, le 12 octobre 2011 à Paris [Francois Guillot / AFP/Archives]
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Liliane Bettencourt, le 12 octobre 2011 à Paris
 

A l'inverse, Me Nicolas Huc-Morel, avocat de la famille de Françoise Bettencourt-Meyers, fille de Mme Bettencourt, a fait remarquer que de tels faits "ne seraient pas susceptibles de remettre en cause les conclusions de cette expertise rédigée par cinq experts au total".

Il note que la spécialité de Mme Gromb "est la médecine légale qui n'apparaît pas comme la plus déterminante dans cette expertise", et "que le travail réalisé a été conforté par d'autres médecins depuis le début de l'enquête et par les nombreux témoins qui ont fait le constat de cet état de faiblesse"

"Je constate que cette affaire sort de manière opportune, alors que les juges d'instruction s'apprêtent à rendre leur ordonnance de règlement dans cette affaire", a-t-il ajouté.

Après les réquisitions du parquet, attendues d'ici fin juin, les trois juges d'instruction - M. Gentil, Cécile Ramonatxo et Valérie Noël - devraient dire au cours de l'été qui ils pensent renvoyer devant le tribunal correctionnel parmi les douze mis en examen de ce volet de l'affaire.

Mais qui est le juge Gentil ?

Qui est Sophie Gromb ? 

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