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Immolation d'un chômeur : Hollande exprime son émotion

L'agence Pôle emploi de Nantes devant laquelle un homme s'est immolé par le feu, le 13 février 2013 L'agence Pôle emploi de Nantes devant laquelle un homme s'est immolé par le feu, le 13 février 2013 [Alain Lemasson / AFP]

L'émotion était vive jeudi à Nantes mais aussi en France, au lendemain de l'atroce immolation par le feu d'un chômeur en fin de droits ayant annoncé ses intentions en début de semaine, mais qui a déjoué avec détermination les moyens mis en place pour prévenir son geste devant son agence Pôle Emploi.

"J'ai une émotion toute particulière pour ce drame et pour la famille de ce chômeur qui s'est immolé", a déclaré Françpos Hollande lors d'une conférence de presse en Inde où il effectue une visite de 48 heures. Ce geste "est le signe de la détresse d'une personne et de la gravité d'une situation", a-t-il ajouté.

"Le service public de l'emploi a été, je crois, exemplaire, il n'est nul besoin d'aller chercher une responsabilité", a estimé M. Hollande tout en jugeant que "quand se produit un drame, qui est un drame personnel, c'est aussi un questionnement à l'égard de toute la société".

"Nous devons lutter contre le chômage, nous devons montrer que nous sommes capables d'être une nation solidaire et, quand nous avons des règles, nous devons les faire comprendre", a-t-il encore observé.

 

Emotion à Nantes

Le journal Ouest-France sur Nantes titrait jeudi "Le litige qui tourne au drame en trois jours", tandis que son confrère Presse-Océan déplorait en Une "L'acte tragique du chômeur nantais".

Lundi, cet Algérien en situation régulière de 42 ans, s'était vu signifier que, faute d'avoir déclaré à Pôle Emploi du travail effectué fin 2012, il devrait rembourser les allocations perçues et que ces heures travaillées ne lui ouvriraient pas de droits à indemnisation. Une "double peine" prévue par la règlementation que la CGT de Pôle Emploi a aussitôt pointée du doigt.

 

Un drame annoncé

Dès mardi, sur le numéro d'appel destiné aux chômeurs inscrits, l'homme a d'abord déclaré qu'il allait se suicider avec des médicaments, selon le Directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) Philippe Cussac. Mais cet homme, que certains témoins sur place ont décrit comme "froid", a rassuré les secouristes envoyés chez lui.

Puis, un peu plus tard mardi, il a envoyé d'autres messages, parmi lesquels un mail glaçant reçu par le quotidien Presse-Océan. L'homme y déclare: "Aujourd'hui, c'est le grand jour pour moi car je vais me bruler à pôle emploi car j'ai travaillé 720 h et la loi c'est 610 h et le pôle emploi a refusé mon dossier, merci au revoir".

Le représentant CGT Julien Chaillou  le 13 février 2013 devant l'agence Pôle emploi de Nantes où un chômeur s'est suicidé [Alain Lemasson / AFP]
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Le représentant CGT Julien Chaillou le 13 février 2013 devant l'agence Pôle emploi de Nantes où un chômeur s'est suicidé
 

Selon la direction régionale de Pôle Emploi, des conseillers l'ont alors appelé pour l'aider à trouver des solutions alternatives, tant d'allocations de solidarité que d'étalement de sommes qu'il devait à l'institution.

Mais mercredi matin, au domicile de l'allocataire, les policiers ont trouvé porte close. Et les appels de Pôle Emploi sont restés sans réponse.

Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, a affirmé que les agents de Pôle emploi avaient "le sentiment d'avoir fait tout ce qui était dans leur possibilité".

"On a essayé de lui expliquer (...). Lorsqu'il nous a indiqué qu'il avait l'intention de s'immoler, on a alerté les services de police et de pompiers. On a réussi à le contacter, on lui a proposé un rendez-vous pour examiner toutes les possibilités de faire face à la situation. Il n'a pas voulu venir et le matin même on a encore essayé d'avoir un contact téléphonique avec lui", a raconté M. Bassères. Selon lui, "on est tous responsables dans un tel drame". "Les agents sur place ont le sentiment d'avoir fait tout ce qui était dans leur possibilité pour éviter ce drame", a-t-il ajouté.

Un dispositif de sécurité avec des policiers avait été mis en place dans l'agence de Nantes Est, située au milieu d'une morne zone de sièges et entrepôts d'entreprises. Mais à midi, les témoins, impuissants, ont vu "cette personne arrivant en courant, passer l'angle du bâtiment, en flammes", a raconté M. Cussac. Une couverture a été jetée sur lui, les policiers l'ont arrosé avec un extincteur, mais il était trop tard.

Pour parvenir à ses fins, le désespéré se serait aspergé d'essence et enflammé à l'arrêt du bus qui l'amenait à Pôle Emploi puis il a parcouru en courant les quelques dizaines de mètres qui le séparaient de l'agence, en flammes.

"Il a fini au sol de manière triste, après ces cent mètres certainement qui ont été très difficiles, très endurants pour lui", a estimé M. Cussac.

De la victime, on savait encore très peu: "C'est une personne pas connue des services, de nationalité algérienne, qui bénéficiait d'un titre de séjour de dix ans, un personne tout à fait banale, normale avec une vie normale dans un quartier normal", soulignait encore M. Cussac. Il était marié et aurait notamment fait un stage en chaudronnerie.

Le ministre du Travail Michel Sapin le 13 février 2013 à Nantes à l'agence Pôle emploi où un chômeur s'est suicidé [Alain Lemasson / AFP]
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Le ministre du Travail Michel Sapin le 13 février 2013 à Nantes à l'agence Pôle emploi où un chômeur s'est suicidé
 

 

Vive émotion en France

Au-delà de l'émotion locale, très vite mercredi, les réactions se sont succédé à l'échelle nationale. Ancien député-maire de Nantes, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a exprimé sa "très vive émotion" tandis que le ministre de l'Emploi Michel Sapin, sur place mercredi, jugeait que "tout a été fait" pour empêcher le drame par les salariés et la direction de Pôle Emploi.

Le Mouvement National des Chômeurs et Précaires a exprimé "sa profonde tristesse" et rappelé que "le taux de suicide parmi les chômeurs est six fois plus élevé que parmi le reste de la population".

Le 8 août dernier, en plein entretien avec un conseiller de la Caisse d'allocations familiales (Caf) de Mantes-la-Jolie (Yvelines), un chômeur de 51 ans s'était aspergé de liquide inflammable avant d'y mettre le feu et il était décédé de ses blessures.

Après Michel Sapin, la ministre chargée de la lutte contre l'exclusion Marie-Arlette Carlotti était attendue jeudi vers la mi-journée à la direction régionale de Pôle Emploi. François Chérèque, ancien numéro un de la CFDT devenu inspecteur général des affaires sociales, devait accompagner la ministre.

Une manifestation est prévue au même moment sur les lieux du drame où ont pris position six camions de CRS. La CGT a démenti faire partie des organisateurs.

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