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Bernard Thibaud : "La pauvreté, dans 70% des cas, il n’y a pas de facteur déclenchant"

Femmes et enfants grossisent les rangs des personnes pauvres en France. Femmes et enfants grossisent les rangs des personnes pauvres en France.[THIERRY ZOCCOLAN / AFP]

Le Secours Catholique, qui dévoile jeudi son rapport annuel sur la pauvreté en France, dresse un constat alarmant : 14% des Français vivent aujourd’hui en-dessous du seuil de pauvreté, contre 12,9% voici deux ans. Une précarité prégnante qui rattrape, depuis une décennie, femmes et migrants. Bernard Thibaud, secrétaire général du Secours Catholique, revient sur ce phénomène.

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Comment qualifier la pauvreté aujourd'hui ?

Nous recevons de plus en plus de gens pauvres, et dans 70% des cas il n’y a pas de facteur déclenchant, tel une perte d’emploi ou une séparation conjugale. Ce ne sont pas des difficultés particulières, mais un pouvoir d’achat qui s’est érodé au fil du temps ans. Ils n’ont simplement plus de quoi boucler leur budget à la fin du mois.

Comment expliquer cette lente descente ?

Il y a un effet ciseau entre leurs ressources qui baissent et leurs charges qui augmentent. Au niveau des ressources, les minimas sociaux sont désormais indexés sur l’inflation, qui a grimpé de 20% en 10 ans. Mais les charges contraintes (loyers, énergie, transports, eau) ont elles augmenté de 40%.

La situation s'est-elle amplifiée depuis la crise de 2008 ?

On observe un décrochage depuis 2008. Aujourd’hui 8,6 millions de personnes vivent en France sous le seuil de pauvreté (964 euros, 60% du revenu médian) C’est le plus élevé depuis 1970. La tranche des très pauvres, qui vient avec 40% du revenu médian, soit 640 euros par mois, sont passés en 10 ans de 1,5 à 2,3 millions. Sur les 800 000 nouvelles personnes passées sous le seuil de pauvreté lors de la dernière décennie, la grande majorité se situe parmi ces très pauvres. Et pour la moitié d’entre eux, la situation s’est dégradée depuis 2008.

Selon votre rapport, les femmes sont de plus en plus concernées par la pauvreté…

Alors qu’il y avait une parité hommes/femmes en 2001, elles représentent désormais 57% des personnes que nous recevons. Les femmes subissent l’éclatement de la famille. Alors que les hommes seuls se marginalisent très rapidement, les femmes récupèrent les enfants du couple dans la très large majorité des séparations. Elles doivent s’en occuper seules, mais certaines n’ont pas travaillé depuis longtemps et ne peuvent donc  trouver mieux qu’un poste précaire, à temps partiel. On a donc plus de femmes pauvres, donc plus d’enfants pauvres. Aujourd’hui 1 enfant sur 5 est en situation de pauvreté, mais aussi 1 jeune sur 5, en hausse de 20% sur 10 ans, alors que la moyenne nationale tous âges confondus est de 14%. Le décalage est profond.

Autre changement, celui des personnes migrantes….

Parmi les personnes que nous recevons, le niveau de vie moyen est de l’ordre de 500 euros pas mois. Il est de 300 euros pour les migrants, qui sont donc les plus touchés par la pauvreté. Difficulté d’accès à l’emploi, discrimination, moins de ressources sociales…Ce sont eux qui payent le plus lourd tribut. Ils représentaient 20% des visites en 2001. Dix ans plus tard, on en est à 30%. Là encore on retrouve de plus en plus de femmes avec leurs enfants, alors qu’avant nous avions principalement des hommes seuls. Et du point de vue de leurs origines, la part des personnes issues du Maghreb est en baisse, de 54% à 27% en dix ans. Nous rencontrons davantage de personnes venues d'Afrique sub-saharienne ou d’Europe de l’Est.

Qu’en est-il de leur situation par rapport au chômage ?

Ils sont de plus en plus éloignés du marché de l’emploi. Un chiffre pour l’illustrer : En 2001, nous recevions 18% de chômeurs en fin de droits. Ils sont passés à 26%.

Quelles pistes suivre ?

Il y a un travail à faire sur les charges des personnes pauvres, en se donnant notamment les moyens d’agir pour le logement. Le gouvernement a des intentions, mais il faudra du concret. Et nous devons axer nos efforts sur les très pauvres, et donc regarder de très près les jeunes et les enfants.  

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