En direct
A suivre

Le chômage est-il sous-évalué par la statistique ?

Une agence Pôle emploi. Une agence Pôle emploi. [PHILIPPE HUGUEN / AFP]

Combien y a-t-il de chômeurs en France? Alors que le cap des trois millions a été franchi pour les seuls demandeurs d'emploi sans activité inscrits à Pôle emploi en métropole, associations et syndicats évoquent des chiffres bien supérieurs, que la statistique peine à évaluer.

Une seule chose est sûre: ce chiffre symbolique des demandeurs d'emploi dits de catégorie A, qui retient chaque mois l'attention, n'est qu'un plancher. Et la partie émergée de l'iceberg.

Si on considère les seules données mensuelles de Pôle emploi (qui ne recense que les chômeurs inscrits accomplissant des "actes positifs de recherche d'emploi"), le chiffre grimpe déjà à 3,259 millions en incluant les ultra-marins. Il culmine à 4,776 millions si on y ajoute les inscrits exerçant une activité réduite, outre-mer compris (B et C). Restent aussi les 237.000 demandeurs d'emploi dispensés d'actes positifs de recherche (catégorie D). L'addition excède alors 5 millions.

Pourtant, ce calcul laisse encore beaucoup de chômeurs de côté: manquent ainsi à l'appel de nombreux jeunes qui n'ont droit à aucune indemnisation et ne voient pas l'intérêt de pointer, ou encore les chômeurs de longue durée et allocataires des minima sociaux découragés.

Alors qu'on dénombre plus de 2 millions de bénéficiaires du RSA, seuls quelque 680.000 figurent sur les listes du service public de l'emploi.

En outre, chaque mois, une cohorte d'inscrits sort par erreur des listes... Avant de se réinscrire le mois suivant.

La présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi, Marie-Claire Carrère-Gée, dénonçait récemment, à l'instar de nombreux économistes et sociologues, "les évolutions particulièrement erratiques et inexpliquées de certains chiffres concernant les sorties de Pôle emploi, cela depuis plusieurs mois".

 

"Halo du chômage"

En août, plus de 196.000 personnes ont ainsi disparu après n'avoir pas actualisé leur dossier. Plus de 38.000 ont en outre été radiés, tandis que 46.000 autres disparus entrent dans une mystérieuse catégorie "autres cas", pour laquelle Pôle emploi ne dispose d'aucune information.

"On donne trop d'importance aux chiffres mensuels. Le trimestriel de l'Insee est sans doute plus robuste et plus comparable dans le temps, car il ne dépend pas de changements d'ordre administratif ou d'une politique", estime l'économiste Paul Champsaur, qui chapeauta l'Institut national de la statistique.

L'Insee publie chaque trimestre une projection à partir d'une enquête réalisée auprès de 100.000 personnes, selon les normes du Bureau international du travail (BIT), qui ne retient que les personnes sans aucune activité. Pour le deuxième trimestre, en métropole, il estimait à 2,8 millions le nombre de chômeurs.

A ces derniers, il faudrait toutefois ajouter, pour 2011, 850.000 personnes évoluant, selon l'institut, dans le "halo du chômage", sans remplir tous les critères du BIT.

Considérant ces indicateurs trop restrictifs, la CGT, à l'instar des associations (MNCP, AC!, APEIS), évalue de son côté les chômeurs à plus de 5 millions. Le collectif Les autres chiffres du chômage (ACDC) préfère lui parler de "chômage total et d'emploi inadéquat" (bas salaires, sous-emploi...), et avance le chiffre de 12,7 millions (45% de la population active).

Pour Pierre Concialdi, économiste à l'Ires et membre d'ACDC, "la frontière entre chômeurs et non chômeurs n'est plus pertinente pour poser la question de l'emploi, qui implique au fond d'avoir un revenu suffisant pour vivre".

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités