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Et si France Télévisions disparaissait, comme ERT en Grèce

Le siège de France Télévisions, à Paris.[AFP/Archives]

Pour apprécier la brutalité de la fermeture de la télévision publique grecque mardi, imaginons ce qui se passerait si la même décision était prise en France. Un exercice de pure fiction qui permet de prendre conscience du poids social, économique et culturel du Groupe.

Même si à l'issue du Conseil des ministres du 12 juin, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem a pris soin de préciser qu'"il n'est aucunement question que ça puisse se produire chez nous", DirectMatin.fr s'est essayé à un exercice de fiction : la disparition pure et simple de France Télévisions.

Si un tel bouleversement se produisait, il est probable que le secteur privé absorberait une partie de ses effets en reprenant certaines de ses activités. Mais l'écosystème dépendant de FTV n'en sortirait pas pas indemne.

 

10.350 licenciements au bas mot

Décider de dissoudre France Télévisions serait d'abord un immense séisme social, pire que le plan social de PSA (8.000 emplois) ou que l'arrêt des hauts fourneaux d'ArcelorMittal de Florange (650 emplois).

Là, il s'agirait de 10.350 personnes en équivalents temps-plein. La disparition du groupe public entraînerait donc autant de licenciements, sinon plus dans la mesure où ce chiffre couvre bien plus d'individus, à commencer par les temps-partiels ou des emplois au 4/5e. En somme, c'est comme si le quart des nouveaux chômeurs enregistrés en avril par Pôle-Emploi venait de France Télévisions… 

Des statistiques saisissantes qui ne tiennent pas compte des emplois indirects qui existent dans le sillage de France Télévisions. Des "boîtes de production" notamment, comme le groupe Banijay de Stéphane Courbit, Lagardère, RTL Group  ou encore Réservoir Prod et DMD, la maison de production de Michel Drucker. Elles perdraient chacune entre 14 et 25 millions de chiffre d'affaires avec l'interruption des émissions qu'elles produisent.

Ces emplois ne disparaitraient sans doute pas pour autant. Des activités, des concepts à succès ou des marques auraient tôt fait d'être reprises par des concurrents. Mais un tel séisme déclencherait des ondes de choc durables dans le secteur.

 

Des dizaines de chaînes menacées 

Aux chaînes France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô qui disparaitraient avec la liquidation de France Télévisions, le téléspectateur doit aussi s'attendre à voir couler d'autres chaînes, plus confidentielles certes, mais assez emblématiques.  En effet France Télévisions détient 34% de Gulli, la chaîne des tout petits, mais aussi des participations significatives dans Planète, la chaîne musicale Mezzo et Arte France (45%). 

La "voix de la France" en prendrait un coup également. France Télévisions est partie prenante au capital d'Euronews, mais aussi de TV5 Monde (13%). La disparition de France Télévisions remettrait à coup sur en cause la survie de ces antennes.

Ajoutez à cela une dizaine de radios locales en outremer, et voilà le paysage audiovisuel Français largement dévasté.

Mais que l'on se rassure, ce black-out de chaîne ne serait que de courte durée. Les concurrents de FTV se battront probablement à coups de millions pour reprendre les fréquences laissées en jachère. A moins que l'Etat ne décide de laisser les fréquences en friche en les laissant prendre de la valeur.

 

Un mauvais coup pour les fédérations sportives

La disparition de France Télévisions aurait également des conséquences pour le téléspectateur amateur de sport. S'il est allergique au football, il s'en remettra dans la mesure où le groupe public ne diffuse que des compétitions mineures. En revanche les fans de tennis, de cyclisme et même de hand en seront pour leur frais. Plus de Roland Garros ni de Tour de France dont FTV a acquis les droits.

Les fédérations sportives s'en remettraient difficilement dans la mesure où France Télévisions consacre 195 millions d'euros au sport par an. La FFT (Fédération française de tennis) dirait adieu à ses 15,5 millions d'euros annuels que lui verse FTV pour diffuser Roland-Garros.

Alors si certaines fédés s'en réjouiraient pour améliorer leurs contrats de diffusion, des sports confidentiels y perdraient beaucoup. Non seulement par faute d'intérêt, mais aussi parce que le gâteau des droits est comme celui de la publicité. Ce n'est pas parce qu'un acteur disparaît que les sommes investies sont reprises par des concurrents. Et 200 millions en période de crise et de baisse du marché publicitaire, ce n'est pas rien.

 

Des centaines de millions d'euros de publicité dans la nature

En 2011, France Télévisions a engrangé 428 millions d'euros de publicité, et ce malgré l'absence de réclames après 20h. Si le groupe venait à disparaître, c'est une manne que se partageraient très théoriquement les autres chaînes.

Une aubaine pour les autres chaînes et notamment celles de la TNT. Mais pas forcément pour le marché de la publicité en général. La baisse du nombre d'écrans entrainera nécessairement une baisse de volume de la publicité. Sur un marché estimé en 2011par CSA et Carat à 3,49 milliards d'euros, dans un contexte baissier, pas sûr que les annonceurs se disputent les 12,5% du marché de France TV.

 

Le financement du cinéma Français mis à mal

Si France Télévisions trépassait sur l'autel de la rigueur budgétaire, des films comme The Artist ne verraient probablement plus le jour. Car FTV est un acteur incontournable dans le financement du cinéma et plus généralement dans la production culturelle française. En 2011, le groupe a signé un chèque de 416 millions d'euros au total pour la "création".

Quand on sait que FTV a a investi 280 millions dans des fictions et des séries, 90 dans des documentaires et 64 pour le cinéma, la création devra partir immédiatement à la recherche de mécènes pour survivre.

 

Une redevance audiovisuelle diminuée de 70% ?

C'est peut-être la seule bonne nouvelle possible. La disparition de FTV donnerait le sourire au contribuable, car elle ferait automatiquement (ou pas) baisser le montant de la redevance audiovisuelle. Pour mémoire, France Télévisions et ses satellites accaparent près de 70% de son produit, soit tout de même 2,2 milliards d'euros par an.

Par hypothèse, la fin de FTV entrainerait la diminution, en proportion, du soutien financier accordée à France Télévisions. La redevance passerait alors de 131 euros aujourd'hui, à 39 euros par an. Le contribuable ne financerait alors plus que Radio France, l'AEF (France 24) et l'INA.

C'est peut-être à ce moment là que l'on comprend pourquoi la disparition de France Télévisions n'est pour l'heure qu'une pure fiction.

 

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