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Lorànt Deutsch : "Je cultive mon pays !"

Lorànt Deutsch se livre à une leçon d'histoire buissonnière avec Hexagone[Michel Lafon]

Après Métronome, Lorànt Deutsch revient visiter l'histoire de France. Avec Hexagone (Michel Lafon), il nous emmène dans un tour de France allègre avec la passion et le sens du récit qui firent le succès de l'opus précédent. En filigrane, le comédien rappelle la caractère précieux et fragile de ce patrimoine vivant.

 

Métronome a connu un très grand succès. Hexagone semble promis à un destin comparable. Comment expliquez-vous cet engouement des Français pour leur histoire ?

Les Français ont toujours été proches de leur histoire. Ils sont à la fois fiers de leurs racines et progressistes. Cette passion pour l’histoire n’est pas signe de conservatisme ou de frilosité : elle indique simplement que les Français veulent savoir où ils vont en sachant d’où ils viennent. Il est vrai qu’il y a de quoi être curieux, sinon subjugué, par ce passé qui nous entoure. Ce jardin, dont nous sommes les légataires, il nous faut le cultiver. Certains cultivent leurs clans. Moi, je cultive mon pays ! C’est quelque chose de merveilleux, la France !

 

Les Français n’ont-ils pas envie qu’on leur raconte un « roman national » ? N’est-ce pas le signe que l’heure n’est pas encore au repli sur soi et à l’individualisme forcené ?

Le « roman national » peut en effet permettre de forger un lien collectif, farouchement pluriel, métissé et ouvert à tous. Il n’est pas de bon ton de le dire mais je me reconnais parfaitement dans l’expression « Nos ancêtres les Gaulois ». Elle est valable pour un Algérien, un Auvergnat, un Vietnamien, ou un Vendéen. Pourquoi ? Parce qu’on appelait naguère Gaulois tous ceux qui n’étaient pas Romains. Ce terme était déjà universel en son temps.

 

La statut de Vercingetorix sur le site de la bataille d'Alesia, en Côte d'Or (CC / Benoît simple escargot)

 

Après Métronome, on découvre que votre passion pour l’histoire déborde largement du périphérique.

Après la publication de ce livre, je m’étais retrouvé orphelin, privé de la joie d’écrire pour moi-même. C’est donc très naturellement que je me suis remis à prendre des notes et à me lancer dans l’aventure d’Hexagone. J’ai voulu comprendre comment mon quotidien, tous ces lieux que je traverse lors de mes parcours, ont été façonnés par l’histoire. C’est donc sans difficulté que j’ai quitté Paris.

 

Hexagone est certes un livre d’histoire, mais aussi un manuel de géographie par bien des aspects…

J’aime à dire que c’est un livre que j’ai écrit avec les pieds ! La France est un isthme, une terminaison, un lieu extraordinaire de rencontres et de fédération des peuples. Les routes que je parcours dans Hexagone, y jouent un rôle essentiel. Ce sont elles qui permettent le fonctionnement du pays, à la manière des veines qui permettent celui du corps. Nous sommes le fruit de cette architecture complexe.

 

Vous semblez privilégiez les lieux et les destins individuels, quand d’autres s’intéressent plutôt aux grands mouvements socio-économiques. S’agit-il de deux manières différentes d’appréhender l’histoire ?

Les deux sont condamnées à dialoguer. Pour ma part, je vénère ainsi Fernand Braudel, l’auteur de L’Identité de la France , que l’on pourrait qualifier d’historien des « tendances lourdes ». Son explication de l’histoire par la géographie est passionnante et permet de comprendre le fonctionnement des zones frontières et des espaces linguistiques. Mais il n’y a pas plus humain que l’histoire. Elle traite de l’homme. Elle est faite par et pour l’homme.

 

Votre ouvrage compte 440 pages couvrant 26 siècles qui représentent autant de chapitres. Mathématiquement, la phase républicaine demeure encore minime lorsqu’on la remet en perspective dans la globalité de l’histoire de France…

L’histoire de France n’a pas de point 0. On pourrait la faire remonter au Big Bang si l’on voulait. J’ai choisi de la faire remonter au VIe siècle avant notre ère, lorsqu’on a commencé à en parler pour la première fois avec l’arrivée des Phocéens dans le Midi. Mais il demeure évident que l’on me reprochera d’avoir été léger sur la période contemporaine. On expliquera cela par mes convictions royalistes. Mais je n’ai fait que rééquilibrer les choses. A contrario, quand un manuel consacre trois pages à Dagobert et 300 à la Révolution française, cela me frustre !

 

Dagobert Ier (602/605 -638/635) par Émile Signol (DR)

 

Du point de vue religieux, Hexagone consacre aussi le rôle structurant de l’Église dans l’édification du pays.

Là aussi, il faut remettre les choses en place. Il faut attendre le IVe siècle pour que celle-ci prenne son essor, et certains, comme Clovis, ont su l’utiliser avec subtilité et malice pour servir des desseins politiques. Mais il demeure exact que par l’organisation des paroisses, les abbayes, ou son influence administrative, elle a contribué à l’édification du pays plus que la force de l’épée. À mon sens, la Renaissance commence avec la fondation de l’abbaye de Cluny à la fin du Xe siècle

 

Votre chapitre sur la bataille de Poitiers (que vous datez de 733) a conduit trois chercheurs à signer une tribune vous reprochant une vision manichéenne de l’histoire. Comment réagissez-vous ?

Ces personnes ne sont pas des historiens à proprement parler, mais des militants encartés au Front de Gauche. Je fais de l’histoire. Ils font de la polémique. Ces personnes revisitent le passé avec les lunettes d’aujourd’hui, c’est qui est une grossière erreur de méthode en histoire. En me taxant d’islamophobie dans le contexte actuel, ils jouent à un jeu dangereux sur lequel je ne souhaite pas m’étendre.

 

Charles Martel à la bataille de Poitiers par Charles de Steuben (DR)

 

S’il fallait retenir un lieu de votre périple sur les routes de France ?

Sans doute Aigues-Mortes. Le rêve perdu de Saint Louis figé dans la pierre.

 

Une date ?

Moi qui plaide pour la réintroduction de la chronologie dans l’enseignement de l’histoire, ce n'est pas une mais cent dates que je voudrais que l'on retienne !

 

Un homme ou une femme ?

J’en choisirai un que je ne risque pas de me voir reprocher, d’autant plus qu’il n’est pas français : Caligula, tellement délirant qu’il en devient génial !

 

 

 

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