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Génocide des Roms : « une histoire méconnue en France »

Tony Gatlif, réalisateur du film Liberté sur le génocide des Roms[CC/Georges Biard]

Après Transylvania (2007), le réalisateur d’origine tsigane Tony Gatlif est revenu sur les écrans en 2010 avec Liberté, une reconstitution tout en pudeur du génocide des Tsiganes. Rencontre avec un cinéaste engagé.

 

Archive – Article publié le mardi 23 février 2010

 

Depuis combien de temps aviez-vous envie de raconter le génocide des Roms ?

Tony Gatlif : Depuis toujours. Cette histoire est méconnue en France et dans le monde entier. Quand on est au courant de ces atrocités et qu’on est cinéaste, c’est naturel de vouloir en parler. L’histoire des Manouches est non seulement ignorée mais elle est aussi cachée. Les Tsiganes ont été enfermés dans une quarantaine de camps par le gouvernement de Vichy. Et à la Libération, ils ont dû attendre deux ans avant d’être libérés. Et comme il n’y a pas eu d’hommes politiques ou de philosophes pour dénoncer leur situation, il a régné un silence total autour de leur histoire.

 

Quel matériau avez-vous utilisé pour vos recherches ?

T.G. : Je ne voulais pas me servir des témoignages des bourreaux. Je trouvais cela indécent et je ne voulais pas faire un film impudique. Je ne voulais pas toucher à l’horreur, mais seulement la suggérer.

 

Vous utilisez donc la figure des Justes pour raconter cette histoire...

T.G. : S’il n’y avait pas eu les Justes, je n’aurais pas fait ce film. Ces gens sauvent la mise de l’humanité dégueulasse des années 1940. Je voulais montrer un homme, une femme qui décident un jour de risquer leur vie pour une population qui n’est pas la leur. Car il s’agit d’un geste incroyable.

 

Liberté est le premier film sur l’holocauste des Roms. Pensez-vous avoir ouvert une brèche ?

T.G. : Absolument. Ceux qui dormaient vont commencer à se réveiller. Avec Latcho Drom, il s’est passé un peu la même chose. Cela a donné lieu à une prise de conscience, donné naissance à des groupes de musique tsigane, des festivals autour du thème des Gitans du monde entier. J’espère qu’il y aura un effet boule de neige. Le cinéma engagé est fait pour cela. C’est un film qui donne à réfléchir. Pas seulement sur le passé, mais aussi sur la situation présente.

 

Vidéo : Bande-annonce de Liberté

 

 

Parlez-nous du personnage de Taloche, interprété par James Thiérrée.

T.G. : Je voulais décrire la mentalité des Roms, leurs rapports à la liberté, à la musique, à la nature, aux animaux. Pour cela, il me fallait un personnage qui personnifie tout cela, un musicien pour l’incarner pleinement. Quand j’ai su que James était violoniste, cela m’a rassuré car on ne triche pas avec le violon. Alors j’ai foncé et j’ai commencé à travailler avec lui. Taloche est quelqu’un de brut qui s’exprime par la peur, la folie, la course, la liberté qui, en lui-même, représente toute la communauté libre.

 

Romain Duris dit que vous avez une manière bien à vous de mener un tournage. Quelle est-elle ?

T.G. : Je suis un cinéaste à part. Quand j’attaque un film, je sais où je vais. Je ne sais pas si je vais réussir mais j’ai une idée précise de ce que je veux. Je me méfie du côté syndical, démocratique d’un film. Un film ne se fait pas à quinze personnes, mais à deux mains. Je ne minimise pas le travail de mes collaborateurs, qui sont de premier ordre, mais le film doit être fait par le réalisateur.

 

Que signifie la liberté pour un réalisateur ?

T.G. : La liberté n’existe pas. En fin de compte un réalisateur est un masochiste. J’adore faire des films, mais une fois le projet lancé, ce n’est que souffrance et embûches. Il y a des joies bien sûr quand l’acteur réussit une scène. Mais sinon on ne dort pas, on doute, on se mord les mains. Il ne faut surtout pas penser au producteur, ni à l’argent, ni aux spectateurs. Il faut foncer et penser à l’art. Néanmoins, je suis libre de faire ce que je veux. Je n’ai jamais fait un film sur commande, ni pour un acteur. Mais ce n’est pas une liberté, c’est un choix.

 

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