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Gérard Jugnot : « Je voulais faire écho à notre société »

Gérard Jugnot[Capture d'écran Youtube]

Dans le cinéma français des années 1970 et 1980, Gérard Jugnot fut l’incarnation par excellence du « beauf ».  Rendu célèbre par les glapissements de Félix dans Le Père Noël est une ordure et les hurlements suraigus du gestapiste Adolfo Ramirez dans Papy fait de la résistance, le comédien a incarné en 1987 le rôle-titre du Beauf, d’Yves Amoureux, véritable couronnement de sa carrière de «plouc» sur pellicule. Pourtant, Gérard Jugnot a plus d’un tour à son arc et, depuis, il réalise ses propres films où il se plaît à se mettre en scène dans des rôles à contre-emploi et engagés.

 

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Années 1970, années de tous les possibles. Ils sont cinq garçons et trois filles, viennent plutôt des beaux quartiers, sont drôles et ont du culot : Christian Clavier, Michel Blanc, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, Bruno Moynot, Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel et Claire Magnin ont envie de jouer ensemble. Tout juste sortis de leurs études, ils fondent un café-théâtre à Paris, rue des Lombards : ce sera le Splendid.

Les quatre premiers éléments de la troupe se connaissent par cœur – ils ont fait les quatre cents coups dans la cour du lycée Pasteur, à Neuilly-sur-Seine ; les autres s’intègrent rapidement dans la clique de ces rigolos. Ils déroulent des pièces d’un comique troupier qui fait des ravages : Je vais craquer, Ma tête est malade, Le pot de terre contre le pot de vin, Bunny’s Bar ou Les hommes préfèrent les grosses. Les camarades Anémone, Dominique Lavanant et Martin Lamotte les rejoignent parfois sur scène. Un beau jour, ils montent Amours, coquillages et crustacés. Patrice Leconte est séduit : il en fera le triomphe monumental des Bronzés, au cinéma. Nous sommes en 1978 et la troupe du Splendid prend la tête de la nouvelle comédie à la française. Dans ces années 1980 qui s’annoncent, plus c’est gros et plus ça passe. La joyeuse équipe tourne Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, puis Les bronzés font du ski de Patrice Leconte, encore. Enfin, Jean-Marie Poiré leur met le grappin dessus : cela donnera Le Père Noël est une ordure et Papy fait de la résistance, qui casse la baraque.

 

Vidéo : Bande-annonce du Père Noël est une ordure

 

 

Les cinéastes, ensuite. Jugnot a travaillé avec les meilleurs réalisateurs du cinéma populaire. Georges Lautner, Edouard Molinaro, Jean-Marie Poiré, Gérard Oury, Claude Zidi, Philippe de Broca et tant d’autres ont influencé le jeune comédien, à peine trentenaire lors de la sortie du Père Noël est une ordure, en 1982. Ce film marquera un premier tournant dans la carrière de Jugnot, qui fait à cette occasion ses premières armes en tant que coscénariste. Il passera derrière la caméra en 1984 avec Pinot simple flic, suivi un an plus tard par Scout toujours.

Etranges années 1980 qui furent autant pour l’acteur et réalisateur des années de consécration que de formation. Contrairement aux Etats-Unis, où Buster Keaton et autres Charlie Chaplin furent rapidement considérés comme d’immenses artistes, en France, le genre comique ne permet pas d’atteindre ce statut. Passer par les fourches caudines de la comédie dramatique ou du drame est nécessaire pour qui veut être reconnu de ses pairs et des journalistes, sinon du public, dont les goûts tranchent parfois avec ceux des «leaders d’opinion». Cependant, ce n’est pas cette quête qui, au cours des années 1990, a guidé Jugnot vers ces genres nouveaux, mais une volonté de se renouveler et d’explorer d’autres domaines artistiques.

 

Vidéo : Gérard Jugnot dans Pinot, simple flic

 

 

Du rire aux larmes

Peu à peu, d’Une époque formidable... (1991) – film pour lequel il est nominé pour le césar du meilleur acteur – à Meilleur espoir féminin (2000), il se prête à des films plus complexes, qui laissent néanmoins toujours une place au rire. Monsieur Batignole (2002) représente peut- être le second tournant du parcours de Gérard Jugnot. Cette année-là, il arrache des larmes à la France entière en racotant le parcours d’un charcutier mesquin qui devient un héros ordinaire en sauvant un jeune juif pendant l’Occupation. Trois ans après Les enfants du marais et un an après Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, les Français veulent qu’on leur parle d’eux et qu’on en parle en bien. Banco ! Gérard Jugnot sait le faire à merveille.

 

Vidéo : Bande-annonce de Monsieur Batignole

                  

 

 

Il transforme l’essai en 2004 avec Les choristes de Christophe Barratier. Le film est un triomphe et attire plus de 8 millions de spectateurs. Il retrouve Christophe Baratier dans Faubourg 36 (2008) et La Nouvelle Guerre des boutons (2011). Et si tout le monde se souvient avec affection et un brin de nostalgie du bronzé des années 1970, chacun attend le prochain grand film ou grand rôle qu’il saura nous offrir.

 

Vidéo : Gérard Jugnot dans Les Choristes

 

 

Rose et noir, une folle comédie

En 2009, Gérard Jugnot réalise Rose et Noir. D’essaierait-il au film engagé ? En choisissant pour son long métrage un titre décalqué du livre manifeste de Frédéric Martel, Le rose et le noir (1996, Seuil), consacré à l’histoire du mouvement homosexuel, on serait tenté de le croire. D’autant que ces couleurs sont celles utilisées par les activistes du mouvement Act Up, aux méthodes controversées.

Certes, Jugnot parle dans son film de l’homosexualité en racontant l’histoire d’un couturier un peu «folle», Pic Saint Loup, chargé par Henri III (incarné par Arthur Jugnot, fils de son père) de partir au royaume d’Espagne pour y réaliser une robe de mariée à l’occasion d’un mariage nobiliaire arrangé. Au pays de l’Inquisition, les mœurs de l’artisan français détonnent. S’ensuit une série de gags et de quiproquos qui rythme ce huitième film de Gérard Jugnot.

Certes, ce dernier confie vouloir faire écho aux questions contemporaines et promouvoir les valeurs de «tolérance» et de «respect», mais il a eu à cœur de satisfaire son public et lui-même. Il confiait ainsi dans les colonnes de Direct Matin au moment de la sortie du film avoir pris un immense plaisir à «faire un film de cape et d’épée (...) dans des décors magnifiques». Chacun prendra donc ce qu’il aime dans ce film inattendu, très bien réalisé et servi par d’excellents acteurs, dont Saïda Jawad, la compagne de Gérard Jugnot. Le film sera pourtant un échec à la fois commercial et critique (il n’attire à peine 100 000 personnes).

 

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Interview pour Rose et Noir

 

Quelle est la signification de ce titre, Rose & noir ?

Gérard Jugnot : Le rose, c’est pour le personnage principal, qui représente la légèreté, le superficiel, l’artistique, l’humain. Et le noir, c’est pour les gens qu’il va avoir en face de lui, des personnes qui ne rient jamais, qui vous disent que la vie n’a pas d’intérêt sur terre, qu’il faut la sacrifier, souffrir pour gagner le paradis.

 

Pourquoi situer votre film en Espagne, et plus particulièrement pendant l’Inquisition ?

G. J. : D’abord par plaisir, parce que j’adore l’Andalousie. On y trouve ce choc des cultures qui découle de sept siècles d’occupation arabe. Cela correspondait aussi à l’histoire que je voulais raconter, cette époque à laquelle vivaient ces escrocs de Dieu, ces gens intolérants qui ne supportaient pas la différence. Plutôt que de raconter une histoire contemporaine, j’ai préféré prendre de la distance. Cela permettait aussi de se rendre compte qu’il y a cinq siècles, les catholiques et les protestants s’égorgeaient pour les mêmes raisons. C’était aussi l’occasion de faire un film de cape et d’épée, plus coloré, et d’être dans un divertissement avec des décors magnifiques.

 

Vidéo : Bande-annonce de Rose et Noir

 

 

Etiez-vous nostalgique de «Sans peur et sans reproche» ?

G. J. : C’est vrai que j’avais adoré faire ce film, mais qui finalement n’était pas tout à fait abouti. J’avais envie de retourner dans la direction du film d’époque mais je ne voulais pas le faire sans raison. Sans peur et sans reproche était très rigolo mais les gens ne pouvaient pas s’y projeter. Si je me lançais à nouveau dans un film en costumes, je voulais que celui-ci puisse faire écho à notre société.

 

Quelle place occupe ce film dans votre filmographie ?

G. J. : C’est un cousin éloigné de Monsieur Batignole. Ça peut paraître bizarre mais, dans ce film, il y avait aussi cette manière d’aborder des choses graves de façon légère. Certains verront dans Rose & noir le côté divertissement, et d’autres seront touchés par le sérieux du propos.

 

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