En direct
A suivre

Laetitia Casta, une icône française

Laetitia Casta[CC/Georges Biard]

Au rythme d’un film tous les deux ans, le célèbre mannequin français s’est imposée peu à peu dans le paysage cinématographique comme une actrice à part entière, libre dans ses choix. Souvent comparée à Brigitte Bardot pour sa plastique généreuse et son ingénuité, l’ancienne Marianne s’investit dans des rôles où on ne l’attend pas forcément.

 

ARCHIVE
 

Formes voluptueuses, sourire imparfait, bonne vivante : il y a dix ans comme aujourd’hui, la jeune fille à la double origine corse et normande dénote dans le moule formaté du mannequinat. Pourtant, avec du recul, la carrière de Lætitia Casta paraît étrangement facile, comme s’il suffisait à la belle égérie de laisser agir son charme malicieux et son sourire ingénu pour capter lumière et flashs. En revanche, il est plus difficile de s’imposer au cinéma en misant sur son seul physique. En tout cas lorsqu’on choisit, comme elle, des films exigeants et des réalisateurs au travail complexe, comme en témoigne La Jeune fille et les loups (Gilles Legrand 2008), un film sombre et tragique, quoique grand public. Adèle, son héroïne qui veut devenir la première femme vétérinaire, est bien loin de la Falbala qu’elle incarnait dans Astérix et Obélix contre César (Claude Zidi, 1999). Un rôle qui augurait, en sortie de défilés, une carrière d’actrice cosmétique, cantonnée aux rôles à beaux physiques. Elle déclarera plus tard: « Je ne veux pas de rôle de jolie fille, ça ne m’intéresse pas ».

Le seul avantage de son apparition dans l’adaptation des aventures du célèbre gaulois, c’était de jouer au côté de Gérard Depardieu. Elle était alors encore ce mannequin qui s’essaye en fin de carrière à jouer les actrices, quand tout le monde affirme que, sauf exception, la transition fonctionne mal. En donnant naissance à son premier enfant, Sahteene (qui se prononce Satine) en 2001, elle ne met pas de terme à sa carrière de mannequin mais lève définitivement le pied. Toujours à cheval entre New York, Paris et Londres, elle alterne tournages, séances photos et baby-sitting. C’est à partir de cette date qu’elle commence à délaisser les podiums pour le cinéma.

C’est suite à son rôle de Falbala qu’elle a été choisie pour interpréter l’héroïne de La Bicyclette bleue de Régine Desforges sur France 2, en 2000, un téléfilm en trois épisodes. En 2001, elle est choisie pour interpréter le rôle principal des Âmes fortes (Raul Ruiz, 2001). Elle tient dans cette adapation d’un roman de Jean Gioni son premier rôle majeur.Depuis, Lætitia Casta a délaissé les podiums, même si elle s’autorise quelques rares apparitions publicitaires. C’est en faisant des choix personnels et risqués qu’elle a bâti sa carrière d’actrice : Gitano (Manuel Palacios, 2002), un drame romantique qui prend place dans l’univers des gitans, ou Errance (Damien Odoul, 2003) face à Benoît Magimel. Le personnage qui lui ressemble le plus, c’est Pascal Thomas qui le lui offre en 2006 avec Le Grand appartement, aux côtés de Mathieu Amalric et Pierre Arditi.

 

Vidéo : Bande-annonce du Grand Appartement (Pascal Thomas, 2006)

 

 

Le cinéma lui offre aussi un enrichissement personnel, elle qui a quitté l’école en quatrième pour commencer sa carrière de mannequin. « Apprendre est essentiel pour moi. Apprendre des choses que j’ai choisies, rencontrer des gens, m’enrichir, voilà quelques-unes des raisons qui font que je ressens tant de plaisir à faire mon métier », déclare-t-elle. Et surtout de quoi exprimer d’autres aspects de sa personnalité, elle à qui on a longtemps demandé d’exécuter scrupuleusement les consignes des  couturiers et des photographes : « Dans la vie, on a plusieurs facettes. Faire une photo, un film ou chanter, c’est une manière de s’exprimer et d’aller plus loin dans ses propres sentiments. C’est un peu comme si j’avais un meuble plein de tiroirs, que j’ouvrais les uns après les autres pour y puiser ce que je veux ». Alors qu’il lui était difficile, mannequin, d’être autre chose qu’une icône, en tant qu’actrice, Lætitia Casta a le sentiment de se reconstruire : « Un acteur grandit avec sa vie ».

Gilles Legrand, qui l’a dirigée dans La Jaune fille aux loups, ne tari pas d’éloge à son sujet : « Lætitia Casta avait toutes les qualités que je souhaitais pour Angèle, une détermination alliée à une vraie fraîcheur. Elle avait très envie de faire le film et elle a loyalement accepté le jeu des essais. J’aime son côté instinctif, fonceur. Sur le tournage, elle s’est en plus révélée d’un très grand courage. Au-delà de son jeu, elle n’a jamais reculé. Elle m’a quelquefois bluffé par sa spontanéité, son audace. Dehors, dans la neige à 1 800 mètres d’altitude, avec un loup qui claquait des dents à deux centimètres de son visage, elle allait jusqu’au bout et même un peu plus loin, toujours prête à y retourner s’il le fallait ! C’était impressionnant ! Je trouve qu’elle apporte à son personnage une beauté, bien sûr, mais aussi un élan, une conviction et une sincérité ingénue ».

 

Vidéo : La Jeune fille et les loups (Gilles Legrand, 2008)

 

 

Mi-pinson mi-abeille

Car c’est cela la griffe Casta : une joie de vivre et un caractère travailleur, une soif d’apprendre. Si Florian Zeller nous parle d’une «amoureuse de la vie», les qualificatifs dans la presse viennent l’appuyer : la jeune femme est «radieuse» et «studieuse» pour Paris Match, L’Express évoque sa «soif de théâtre». Elle semble à l’aise partout, belle au naturel avec un joli répondant. Reçue sur le plateau de The Late Show (émission diffusée sur CBS aux Etats-Unis) à 20 ans, elle avoue à David Letterman qu’elle n’était pas bonne à l’école parce qu’elle rêvait beaucoup, suivant la trajectoire d’un moustique quand il y en avait un dans une salle de classe. Fou rire général. Dix ans plus tard, pour la sortie de La jeune fille et les loups, Laurent Delahousse bute sur le titre du film en le rappelant en fin d’interview : La jeune fille et le loup ; Laetitia lui lance : «C’est vous le loup !» et le présentateur rougit.

 

La possibilité d’une ile

Son caractère, Lætitia Casta se l’est forgé sous les projecteurs. Elle est née en Normandie, mais c’est sur l’île de Beauté qu’elle renoue chaque été avec ses racines corses. En 1993, à 15 ans, elle a été remarquée sur la plage de Sant’Ambroggio, à Lumio près de Calvi, par un photographe de mode, Frédéric Creceaux. Son arrière-grand-mère l’avait inscrit au traditionnel concours de Miss Lumio. A tout juste 15 ans, Laetitia arrive en tête et empoche les 1 000 francs de l’époque. Ils lui serviront, l’élection terminée, à inviter son aïeule au restaurant. Encore adolescente, elle paraît pourtant plus mature grâce à ses formes précoces. « A l’âge de 12 ans, ma poitrine commençait à pousser, et j’ai dû porter un soutien-gorge (...). J’étais un peu embarrassée par mon corps, qui grandissait si vite ». Son père mettra plusieurs semaines à accepter les propositions de l’agence Madison, avant de l’accompagner à Paris pour une photo test. En deux semaines, elle devient mannequin vedette de l’agence, et défile pour Jean Paul Gaultier.

Tout s’emballe pour la jeune modèle, jusqu’à la couverture du magazine Elle en 1994. S’ensuit un contrat avec la marque Guess, où elle sublime la vision du designer Paul Marciano. La première fois qu’il l’a vue, « elle avait l’air d’une jeune fille de 12 ans, mais je l’ai regardée plus attentivement, et j’ai été stupéfait par la construction parfaite de son visage. Je ne pouvais plus me départir de son regard ! ». Sa silhouette, imparfaite selon les normes strictes du milieu, dérange. On lui conseille volontiers un régime ou un « lifting » des dents. Ce qu’elle refuse. Son sourire, c’est aussi sa force, cet air malicieux plus que coquin, adolescent plus qu’adulte. Ses mensurations exceptionnelles (90C-61-90) l’amènent tout naturellement vers la lingerie, et elle devient en 1996 l’une des cinq «Angels» de Victoria’s Secret. Egérie également de L’Oréal, dès 1998, aux côtés de Kate Moss et de Jennifer Aniston, année où elle devient la « femme la plus sexy de la planète », selon le magazine Rolling Stone.

 

Vidéo : Laetitia Casta en 1998

                                                      

 

Discrète mais déterminée

Du monde des mannequins, Lætitia Casta s’avoue volontiers détachée. « Parfois, je suis triste pour les autres mannequins qui ne mangent pas. Aimer la nourriture, c’est aimer la vie. Aimer la vie, c’est avoir envie d’aimer ». Elle ne participe guère aux soirées débridées, n’adhère pas à la tyrannie des régimes amincissants, ni au perfectionnisme esthétique de la chirurgie. Elle avoue préférer la solitude aux fastes des galas, aux personnalités qui « ont besoin de sortir, d’être suivies par leur cour. Moi, je ne suis pas effrayée à l’idée d’être seule. Au contraire, je préfère ». Elle a aussi dans le sang l’esprit de clan, de famille. Un vestige corse probablement, inculqué par son père. Dans le cinéma, elle a trouvé, au sens propre comme au sens figuré, une nouvelle famille puisqu’elle vit désormais avec l’acteur Stefano Accorsi avec qui elle a eu deux enfants, Orlando et Athéna. Et aussi une certaine quiétude, menant sa vie au rythme qui lui convient.

Elle n’a pourtant pas encore 30 ans qu’on la voit déjà en vétéran. Dur métier que celui de mannequin, comme ces carrières de footballeur débutées à 15 ans et qui s’essoufflent dix ans plus tard. Pourtant, les apparitions de la belle Corse en couverture des magazines sont toujours des succès assurés en kiosques, ainsi ce numéro de l’hebdomadaire féminin Elle daté du 21 janvier 2008, où Lætitia, en guêpière années 1950, incarnait comme nulle autre le glamour chic et érotique de cette époque.  Une période déjà visitée par l’actrice en 1999 pour le prestigieux calendrier Pirelli qui revenait sur douze décennies féminines. Son allure intemporelle lui permet, dans des costumes d’époque, de donner du charme à n’importe quelle mise en scène.

 

Vidéo : Bande-annonce de The Island (Kamen Kalv, 2012)

 

 

Laetitia Casta explora la tragédie amoureuse

En 2004, découvrir le nom de Laetitia Casta sur les colonnes Morris en tête d’affiche avait dérangé certains puristes. Il faut dire que le choix de Jean Giraudoux pour une première était audacieux, autant que le défi de succéder à Isabelle Adjani. « En fait, j’étais très naïve. Je ne m’en suis pas rendu compte, mais les autres se sont chargés de me faire comprendre que je m’attaquais à quelque chose d’énorme. Heureusement, j’ai saisi tout ça assez tard. Si on a peur, on ne fait jamais rien », déclare-t-elle dans L’Express. Mais le pari a été relevé haut la main. Sur scène dans Ondine, le public découvrait une sirène impressionnante de charisme et passionnée par le texte du grand dramaturge. Là encore, c’est elle qui était allée chercher Jacques Weber pour qu’il la dirige sur scène.

En effet, toute jeune, elle flirtait déjà avec la scène : « J’avais 12 ans et nous avions monté une pièce avec une troupe d’amateurs venus dans mon collège. Ca s’appelait Coup de théâtre et je jouais le rôle d’une directrice de musée qui perd la mémoire. J’ai tout de suite ressenti quelque chose de très fort. Ensuite, j’ai pris des cours pendant plusieurs années», a- telle confié à L’Express.

Quatre ans après ces débuts remarqués sur les planches, l’ex top-model retourne en 2008 avec Elle t’attend, une pièce écrite et mise en scène par Florian Zeller. Un nouveau défi pour une comédienne qui aime le risque. L’égérie de Jean-Paul Goude incarne une femme amoureuse, trop amoureuse peut-être. Et son histoire n’est pas simple, parce que l’homme qu’elle aime tant, Simon (Bruno Todeschini), est marié et père de deux enfants. Malgré les difficultés, les deux amants se retrouvent en Corse pour les vacances. Un jour, Simon part se promener, mais tarde à rentrer. Anna, impatiente, puis inquiète, commence à se poser des questions sur son amant. Va-t-il revenir ? L’aime-t-il vraiment ? Le sacrifice en vaut-il la peine ? Cette pièce interroge les sentiments d’une femme qui se perd dans sa passion. L’écrivain (prix Interallié pour La fascination du pire en 2004) avait déjà exploité cette idée de la femme aux prises avec ses doutes amoureux dans Si tu mourais où Catherine Frot jouait une veuve qui cherche à percer la véritable identité de son époux défunt.

Pour parler de sa pièce, Florian Zeller cite Camus évoquant la Méditerranée : « Elle a son tragique solaire qui n’est pas celui des brumes ». L’«ensoleillante» Laetitia lui a fait penser à ce tragique solaire. Lorsqu’ils se sont rencontrés, ils ne se connaissaient pas mais à la suite d’un déjeuner, Zeller lui a proposé un texte qu’elle a accepté le lendemain. « Je n’ai pas écrit cette pièce en pensant à Laetitia, mais tout a été affaire d’intuition », se souvient le dramaturge. « Même si un comédien vient toujours travailler avec ses propres fantômes, Laetitia a, elle, un côté très créatif : c’est une chercheuse, elle n’est pas là par hasard. Elle est motivée par un désir de bien faire. Elle propose des choses aussi, mais ce n’est pas un cheval fou. Ce qui est plaisant, c’est la dimension affective qu’on est en train de nouer : plus on approche de la date de la première, plus c’est fort. On trouve entre nous tous un langage commun. Laetitia a aussi une capacité à être très entière. C’est une amoureuse de la vie ».

 

Vidéo : Bande-annonce d’Une histoire d’amour (Hélène Fillières, 2013)

 

 

Aujourd’hui, Lætitia Casta est devenue sereine, elle va où elle veut aller. Celle qui déclarait n’avoir besoin pour être heureuse que de « l’air de la montagne, de pain et de fromage », entretient sa forme en nageant, en faisant du jogging et, par-dessous tout, « en riant aussi fort que possible pendant au moins 15 minutes par jour ». C’est son secret de beauté. C’est aussi comme cela qu’elle entretient sa vie personnelle, tout en discrétion. Elle ne fait pas la une des tabloïds, contrairement à Kate Moss, qu’elle a souvent croisée sur les podiums. Cette jeune femme a su sortir d’un monde de loups et devenir louve au sens de la métaphore romaine : généreuse, paisible et renfermée sur son cercle familial, mais tout aussi déterminée et indépendante.

 

Annie Girardot, la classe populaire

Isabelle Huppert, l’actrice caméléon

Une Histoire d’amour : l’affaire Édouard Stern au cinéma avec Laetitia Casta et Benoit Poelvoorde

Laetitia Casta au jury de la prochaine Mostra de Venise     

 

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités