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Charles Aznavour : « Les plus grands artistes continuent d’apprendre »

Charles Aznavour[CC/Piano Piano!]

Sa silhouette a traversé les décennies et appartient désormais à l’histoire de la chanson française. Charles Aznavour a côtoyé Charles Trenet et Edith Piaf et en 1998 la chaîne américaine CNN l’a même élu chanteur du siècle, devant Elvis Presley et Bob Dylan. L’auteur de La bohème et d’Emmenez-moi  fut aussi acteur, notamment sous la direction de François Truffaut dans Tirez sur le pianiste (1960) et Claude Chabrol dans Les Fantômes du chapelier (1982). Direct Matin l’avait rencontré à l’occasion de son grand retour à l’Olympia en 2011.

 

Archive – Article publié le jeudi 15 septembre 2011

 

Quels souvenirs gardez-vous de la mythique salle de l’Olympia ?

Charles Aznavour : Bruno Coquatrix fut parmi les plus belles têtes de mule avec lesquelles j’ai travaillé. Malgré les possibilités qu’il avait de lancer un artiste dans son Olympia, il avait décrété que je n’étais pas fait pour son théâtre. Un jour, enfin, il me demanda de m’y produire. Comme le succès était au rendez-vous, il me signa un nouveau contrat pour passer en vedette. Mais nos discussions ont tourné court car il refusait de me rémunérer comme les artistes américains. Lorsque, des années plus tard, son théâtre a traversé une mauvaise passe, j’avais gardé toute mon estime pour le patron et toute ma tendresse pour l’Olympia.

 

Avez-vous eu un modèle parmi les géants que vous avez connus ?

C. A. : Je voue une admiration sans bornes à Charles Trenet. J’ai eu le bonheur de le rencontrer au temps où j’étais un joyeux anonyme. J’en fus marqué à vie. Mais j’ai apprécié aussi les auteurs-interprètes tels que Georgius, Jean Tranchant, Mireille et Jean Nohain, et les grands auteurs comme Raymond Asso. Plus tard, Béart, Brassens, Brel, Ferré. J’ai observé ce beau monde, décidé à trouver le moyen de sortir du lot : j’en suis venu à imaginer des chansons en forme de situations théâtrales, de dialogue, qui me permettraient d’évoquer le quotidien dans des textes et une forme auxquels le public s’identifiait. Moi-même, je suis l’aboutissement de mes adorations de France, d’Arménie et d’Amérique.

 

Vidéo : « Emmenez-moi »

 

 

Plus de 1 000 chansons composées, soixante films tournés : où vous êtes-vous le plus amusé ?

C. A. : Je dois avouer qu’au cinéma, j’ai été gâté par les rôles que l’on m’a proposés. La critique ne m’a jamais accablé. Au contraire, le chanteur est tributaire des modes, des ventes de son dernier album, des salles de concert remplies ou non et, surtout, il court après la chanson qui lui permettra de tenir une saison de plus. Le chanteur n’a pas le droit de vieillir, sauf s’il est auteur et si ses chansons accèdent à la postérité. Dans la chanson, on entre seul en scène et on retrouve la solitude à la fin du concert. C’est un métier magnifique, mais difficile à vivre.

 

Quel élément a le plus joué dans votre succès ?

C. A. : Aucun artiste ne se fait tout seul. On écoute, on observe, on apprend, on imite forcément, on se forge une personnalité et, si l’on a un peu de chance, on réussit à sortir du lot en ne ressemblant qu’à soi-même. Même les plus grands artistes continuent d’apprendre. Gloire ou pas, apprendre doit rester la fonction première de l’artiste : en lisant, en mémorisant, en écoutant la radio, en regardant les autres évoluer. C’est ainsi que l’on se forge une idée de notre propre travail, et qu’on l’enrichit. J’ai eu la chance de vivre dans l’intimité de monstres sacrés, mille fois copiés, jamais égalés. J’ai appris des mots, des gestes, qui ont eux- mêmes forgé le squelette de ce que j’ai construit à mon tour.

 

Vidéo : « La bohème »

 

 

Vous aimeriez sans doute tirer votre révérence longtemps. Comment savoir partir sans regrets ?

C. A. : Je voudrais tant me créer des printemps, vivre cette saison que je n’ai pour ainsi dire pas connue, trop occupé que j’étais à me bâtir une situation au lieu d’une vie. La guerre, la résistance, la peur, la souffrance des miens, la survivance, j’aimerais tout effacer, pour vivre, voir, entendre chanter les oiseaux et les cigales, profiter des derniers amis qui me restent, réapprendre la jeunesse en devenant grand-père. Et continuer à apprendre, cette fois l’inutile, sans besoin, planter mille arbres, en rêvant d’être encore là quand ils auront mon âge.

 

Dans les coulisses de l’Olympia

Salle comble à Los Angeles pour Charles Aznavour, en pleine forme

Pas d’inquiétude pour la santé d’Aznavour

 

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