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Steven Spielberg et Indiana Jones : une aventure périlleuse

Indiana Jones[CC/puuikibeach]

Dix-neuf ans séparent le troisième volet des aventures d’Indiana Jones, La Dernière Croisade, du quatrième film, Le Royaume des Crânes de Cristal. Dix-neuf années au cours desquelles les protagonistes de la trilogie originale, Steven Spielberg, George Lucas et Harrison Ford, ont débattu de la pertinence du retour du célèbre aventurier. Pour quelles raisons ont-ils accepté de rempiler pour cette quatrième aventure ?

 

Archives – Article publié le mercredi 21 mai 2008

 

La naissance d’un mythe

L’aventure d’Indiana Jones commence en 1981. La légende veut que quelques années plus tôt, George Lucas, qui vient de réaliser le premier épisode de la série Star Wars, conseille à son ami Steven Spielberg d’imaginer son propre aventurier. Ce dernier a essuyé plusieurs refus de la part des producteurs de James Bond, saga à laquelle il aimerait associer son nom.

Le conseil porte ses fruits et les deux hommes unissent leurs efforts pour réaliser Les aventuriers de l’arche perdue qui sort trimphalement en 1981. George Lucas produit le film, Steven Spielberg se charge de la réalisation. George Lucas propose le projet à Steven Spielberg en 1977. Il imagine le personnage comme un miroir des serials de son enfance, ces adaptations télévisées de comics (bandes dessinées). Steven Spielberg, lui, se réfère à un cinéma classique, les films d’aventures des années 1950. Harrison Ford donnera la touche finale : il apporte piques et gags à ce personnage quelque peu taciturne, dont quelques phrases cultes à l’humour pince-sans-rire.

 

Vidéo : Bande-annonce du Trésor de la Sierra Madre (John Huston, 1948), une des inspirations d'Indiana Jones

 

 

Le héros sera finalement aussi ambivalent que ceux des années 1980 : l’intellectuel timide à lunettes est aussi un aventurier charismatique. Indiana Jones ouvre une nouvelle époque dans le cinéma moderne. Il sera clinquant, à grand spectacle. « La vitesse et la pyrotechnie [les explosions] sont les ingrédients nouveaux de ce cinéma. Dans Star Wars ou 2001 Odyssée de l’espace, on est encore dans la lenteur. Là, le montage s’accélère », explique Frédéric Gimello-Mesplomb, chercheur et auteur de Cinéma des années Reagan : un modèle hollywoodien ? Mais est-ce la seule raison du succès international de ce film ? « Dans cette saga, on ratisse large. On y retrouve du western, du film de guerre, avec des références explicites à Lawrence d’Arabie ou à Ben Hur. Et puis, dans les années 1980, l’heroic fantasy est un courant très fort. Les films font beaucoup appel à la magie, au mystique ». Indiana Jones, archéologue, court donc après l’Arche d’alliance ou le Saint-Graal

Trois ans après le premier volet sort Indiana Jones et le temple maudit, deuxième opus de la série. Steven Spielberg dira de ce dernier qu’il est l’épisode qu’il aime le moins. En 1989, le duo se reforme et signe Indiana Jones et la dernière croisade. S’il n’a jamais été formellement précisé que ce film mettait un point final à la série, l’esprit qui s’en dégage est bien celui-là. Steven Spielberg s’apprête à tourner une page et à aborder une nouvelle phase de son travail. «Une période sombre», pour reprendre les mots avec lesquels il qualifie souvent la décennie qui suivra.

 

Vidéo : Les Aventuriers de l’Arche perdue, premier volet des aventures d’Indiana Jones

 

 

Les deux oscars

S’il s’autorise encore quelques films à grand spectacle, comme Jurassic Park (1993) et Le monde perdu (1997), le réalisateur s’oriente davantage vers des thèmes sérieux, voire difficiles. La Liste de Schindler est le premier film d’une période que Spielberg a lui-même qualifié de «sombre», en référence aux thèmes qu’il aborde dans son travail. Le réalisateur explore la personnalité trouble d’un ancien officier nazi ayant contribué à sauver des chambres à gaz un millier de Juifs. Oskar Schindler a fini sa vie dans la pauvreté, sans être réellement reconnu en Allemagne. Le film rend hommage au courage de cet homme d’exception. Ce film, que Steven Spielberg a proposé à plusieurs metteurs en scène dont Roman Polanski avant de se résoudre à le réaliser lui-même, se révèle être un succès. Il lui vaut un oscar. Lors de la cérémonie de remise, Harrison Ford lui fait part d’une remarque : il ne s’opposerait pas à renouer avec le personnage d’Indiana Jones. L’heure n’est pas à un quatrième épisode. Mais l’idée est bien là...

En 1999, Steven Spielberg reçoit une nouvelle statuette pour un autre film, Il faut sauver le soldat Ryan, dont la trame, à nouveau historique, se situe pendant la Seconde Guerre mondiale, en juin 1944. Tom Hanks y incarne le rôle principal : avec son unité, le capitaine Miller est chargé de retrouver au plus vite le soldat Ryan, dont trois frères sont morts au combat, afin de le ramener chez lui, auprès de sa mère. Entre Tom Hanks et le réalisateur, les liens se resserrent. Ensemble, ils produiront plusieurs mini-séries pour la télévision. L’acteur figurera aussi au générique d’Arrête-moi si tu peux (2003) et du Terminal (2004).

Réputé pour sa propension à enchaîner des tournages très différents, s’attelle successivement en 2001 et 2002, à A.I. Intelligence artificielle, en hommage à Stanley Kubrick, Minority Report et Arrête-moi si tu peux. En 2005, entre Le Terminal et Munich, il signe une nouvelle adaptation de La guerre des mondes de H.G. Wells avec Tom Cruise.

 

Vidéo : extrait de La Liste de Schindler

 

 

Une aventure périlleuse

George Lucas, le complice des premières heures, fait part à Steven Spielberg de sa volonté de donner une suite à la dernière croisade. Dans l’esprit du réalisateur, l’idée semée en 1993 par Harrison Ford germe petit à petit. Mais il faut encore trouver un scénario. Et cela prend du temps. Référence du genre oblige, le professeur Jones doit partir en quête d’une relique. Après l’arche d’alliance, les cinq pierres de Shankara puis le saint Graal, ce sont des crânes, datés de l’époque précolombienne et sculptés dans du cristal de roche, qui deviennent le centre de toutes les attentions. Des crânes déjà aperçus à la fin du premier épisode.

Des objets d’autant plus précieux pour le scénario que, selon les amateurs d’affaires ésotériques, ils auraient été transmis aux Mayas par des extraterrestres. Le temps s’écoule avant que le quatrième épisode puisse prendre corps. Et les années n’épargnent personne, pas même Harrison Ford. L’acteur principal a pris quelques rides. Ce doit aussi être le cas d’Indiana Jones, qui fait un bond dans le temps et se voit transporté en pleine guerre froide. Voilà pour l’histoire, reste le risque de s’aventurer dans une telle entreprise. Et le danger est bien réel : la critique a reproché à ce quatrième volet d’être celui de trop et le tiennent toujours, à tort pour un de ces films les moins convaincants. Steven Spielberg connaissait ce risque. Quel argument a finalement fait pencher la balance ?

 

Vidéo : Bande-annonce d'Indiana Jones et le temple maudit

 

 

Faire plaisir au public

«C’est vraiment la première fois que je réalise un film que le public m’a demandé», explique Spielberg à L’Express. Les requêtes insistantes des fans ne sont sans doute pas étrangères à sa décision. D’autant que l’enjeu économique, lui aussi, est colossal : les trois premiers épisodes de la série auraient déjà rapporté plus d’un milliard de dollars.

Mais le seul argument financier semble insuffisant, tant un autre moteur a guidé la carrière de Steven Spielberg. Un moteur, ou plutôt un appétit, cette boulimie qui lui fait mener plusieurs projets de concert qu’il réalise – en 2011-2012, sort successivement son adaptation de Tintin, son hommage au cinéma de Victor Flemming,  Cheval de Guerre, et Lincoln

Pour preuve encore, cet appétit qui le fit débuter très tôt dans le cinéma en signant et réalisant, à 16 ans à peine, Fireflight, son premier film dont le budget ne dépassa pas les 600 dollars et dont les recettes furent quasiment inexistantes. Et puis il y a cette envie de prendre le cinéma comme un jeu, d’en faire, selon ses propres mots, une «récréation», de sauter d’une case à l’autre, de faire rêver le public, mais aussi – et peut- être surtout – de continuer à rêver lui- même.

 

Vidéo : ouverture d’Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal

 

 

Jusqu’au dernier moment, tout a été fait pour que rien ne filtre. Jusqu’à la dernière minute avant la première projection au festival de Cannes 2008, les seules images visibles du quatrième volet d’Indiana Jones étaient celles de la bande-annonce. Au point que Steven Spielberg, monument du cinéma américain et réalisateur des quatre épisodes du célèbre aventurier, plaisantait au sujet d’un scénario auquel les acteurs eux- mêmes n’auraient pas eu accès.

Un secret à la hauteur de l’attente. Dix-neuf ans que les inconditionnels de l’archéologue n’avaient pas vu Harrison Ford coiffer son chapeau, saisir son fouet et revêtir sa veste de cuir. Cela a laissé assez de temps pour s’interroger sur la capacité du héros – désormais sexagénaire – à se sortir des habituelles embûches, tout en étant projeté dans la guerre froide et confronté non plus aux nazis mais aux Soviétiques.

L’autre interrogation concernait la capacité du réalisateur à restituer l’atmosphère des premiers épisodes. Car là résidait bien l’un des enjeux. Steven Spielberg, 63 ans, l’avait annoncé : ce nouvel opus devait faire partie de la famille des Indiana Jones. Il fallait retrouver la célébrissime musique signée John Williams, mais aussi la lumière et les décors. C’est pourquoi le réalisateur a édicté une règle à laquelle il ne devait pas déroger : ne pas utiliser l’expérience qu’il avait accumulée pendant les vingt années qui ont séparé La dernière croisade (1989) du Royaume du crâne de cristal (2008). En un mot, Steven Spielberg a imposé à son équipe, ainsi qu’à lui-même, de faire table rase d’une filmographie pourtant difficile à résumer en quelques lignes.

 

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