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The Rolling Stones, 50 ans de succès

Mick Jagger, Martin Scorsese, Keith Richards, Ron Wood et Charlie Watts lors d'une présentation du documentaire Shine a light, réalisé par Martin Scorsese[CC/cinematographer]

Après cinquante ans de carrière, les Rolling Stones sont toujours au sommet. Le groupe composé de Mick Jagger, Keith Richards, Charlie Watts et Ron Wood a toujours su entretenir son statut de mythe vivant. Si la critique semble avoir décroché depuis un moment, les enfants terribles du rock peuvent compter sur des générations de fans plusieurs fois renouvelées, ne se séparant qu’à de rares occasions de leur t-shirt noir orné d’une grosse bouche rouge tirant la langue, l’emblème du groupe.T

(ARCHIVES)

 

26 avril 2006. Keith Richards, le guitariste des Stones, est en vacances au Wakaya Club, luxueux hôtel des îles Fidji, avec Ron Wood, autre guitariste du groupe. Il chute du cocotier où il s’est assis. Commotion cérébrale, hôpital, opération du cerveau en Australie quelques jours plus tard et annulation de la tournée européenne des Stones. Ironie du sort : le guitariste, connu pour ses frasques toxicomanes, était en parfaite maîtrise de ses moyens.

L’histoire est digne d’une séquence du rockumentaire de Rob Rainer, This is Spinal Tap (1984) qui raconte les déboires d’un groupe de metal à la carrière aussi fulgurante qu’éphémère. La carrière des Stones, au démarrage fulgurant, ne peut pourtant pas être qualifiée d’éphémère, même si certains critiques musicaux estiment que le groupe est mort dans les années 1970, avec l’album It’s Only Rock’n Roll (1974). La chute, puis le retour, à l’image de Keith Richards qui s’est relevé, et revient en pleine forme pour secouer les stades.

 

« C’est un bon groupe, mais vous n’irez jamais nulle part avec ce chanteur »

C’est par ce commentaire lapidaire qu’à la fin de l’année 1962, un responsable de la maison de disques britannique Decca aurait accueilli la première maquette studio enregistrée par les Rolling Stones, que l’on venait de lui soumettre. C’est du moins ce que rapporte Christopher Sandford dans son livre, Mick Jagger, Rebel Knight (2004). On peut se demander si l’anecdote ne relève pas plus d’une légende, plus ou moins réécrite pour être à la mesure d’un groupe devenu mythique, que de la réalité.

D’autant que quelques mois plus tard, en juin 1963, c’est chez Decca que sort le premier single des Stones. Ironie du sort, le directeur artistique qui les signe sur ce label n’est autre que Dick Row, passé à la postérité pour avoir refusé les Beatles quelques années plus tôt. Et la légende rejoint l’histoire du rock’n roll... Qu’elles aient réellement été prononcées ou pas, les paroles de cet oiseau de mauvais augure prêtent aujourd’hui à sourire.

 

Vidéo : "Jumping Jack Flash"

 

 

Car plus de cinquante ans après, les Stones roulent toujours, écrasant sur leur passage tous les records de l’industrie musicale. Et s’il est une personne qui est responsable de l’incroyable longévité du groupe, c’est son leader, Mick Jagger. D’abord pour avoir été à l’origine de la création de ce qui allait devenir «the biggest rock’n roll band in the world» (le plus grand groupe de rock au monde). Ensuite pour avoir cosigné la plupart des chansons d’un répertoire désormais culte et avoir contribué, par son sens du spectacle et son charisme sur scène, à faire de chaque concert ou presque un événement inoubliable. Enfin, pour avoir su faire de sa bande de mauvais garçons de la banlieue londonienne une formidable machine à brasser des millions, dont les tournées génèrent des profits toujours plus faramineux, plus de trente ans après les derniers grands succès.

Fan de Chuck Berry, Keith Richard, le guitariste des Stones, aux commandes de sa Fender Telecaster, est à l’origine du son si particulier du groupe... Une certaine poudre blanche est pour beaucoup dans ses compositions (et ses prestations scéniques), même s’il affirme n’avoir jamais eu de problème avec la drogue, si ce n’est avec la police.

Charlie Watts est l’enfant sage de la bande, le paradoxe nécessaire. Marié depuis le début du groupe, il se tient hors du star-system et des groupies surexcitées. Flegmatique et réfléchi, ce fan de jazz est le liant indispensable entre Richards et Jagger les jours de tempête. Ultime paradoxe : il n’a succombé à l’attrait de l’héroïne qu’en 1986, alors que le reste du groupe en semblait revenu.

 

Une rencontre placée sous le signe de Muddy Waters

A l’origine de la création des Rolling Stones, une histoire improbable comme seuls les groupes de rock peuvent les vivre. Sur un quai de gare, Mick Jagger, membre avec Keith Richards du groupe de blues-rock Little Boy Blue and The Blue Boys, transporte un vinyl best of de Muddy Waters. Sur le même quai, Brian Jones, un jeune guitariste prodige, qui, à 20 ans, a déjà une vie très agitée, entre alcool et femmes. Il repère le vinyle, et rejoint peu après les Blue Boys qui se rebaptisent Rolling Stones, du nom d’un des titres de Muddy Waters.

 

Vidéo : « Rollin’ Stone » de Muddy Waters

 

 

Le groupe se fait remarquer en 1962 au Marquee, un club de Londres, en plein boom du Swinging London, et surtout en pleine folie Beatles. Seule solution pour les Stones : prendre le contre-pied des scarabées et de leur apparence de gendres idéaux. Et donc ne plus apparaître, comme lors de leurs premières prestations à la télévision, en costume cravate.

C’est la rencontre avec leur futur manager, Andrew Long Oldham, qui va les décomplexer : les musiciens prennent un air de méchants garçons sulfureux et deviennent des anti-Beatles rebelles et sexy. Stones contre Beatles, un débat qui n’est toujours pas clos. Même s’il ne faut pas le dire aux fans, c’est bien avec un titre écrit par Paul McCartney et John Lennon, I Wanna Be your Man, que les Stones ont commencé leur carrière discographique.

 

Vidéo : « (I Can’t Get No) Satisfaction » 

 

 

« Satisfaction »

Mick Jagger et les siens ont un look. C’est un début, mais c’est insuffisant. Il leur manque un tube. Ce sera chose faite en 1965, avec l’imparable (I Can’t Get No) Satisfaction et son inoubliable riff de guitare. Jusqu’en 1969, le groupe produit succès sur succès : l’album Aftermath et son titre Paint it Black, puis l’album Beetween the Buttons, qui contient l’indécent – pour l’époque – Let’s Spend the Night Together et le très psychédélique Their Satanic Majesties Request. Psychédélique, et même complètement sous influence.

La gloire et les tournées à répétition sont émaillées de scandales, saccages de chambre d’hôtel, orgies et affaires de drogue. Une période plus ou moins bien vécue par les membres du groupe. Brian Jones, pierre angulaire du groupe, supporte mal d’être évincé par le tandem Jagger- Richards. A la fin des années 1960, il a complètement sombré dans l’alcoolisme et la cocaïne, ne participe plus aux enregistrements et se fait renvoyer par le groupe. Il est retrouvé noyé dans sa piscine.

Mick Taylor prendra sa place. 1969 n’est pas vraiment une «année érotique» pour les Stones : une bagarre éclate lors d’un de leur concert à Altamont, aux Etats-Unis. Un spectateur noir est tué par un membre de sécurité, assuré par les Hell’s Angels. Un fait divers teinté de racisme, peu après le scandale de la chanson Paint it Black («peins-le en noir», qui raconte une vision pessimiste du monde) parfois interprétée aux Etats-Unis par Paint it, Black ! («Peins-le, Noir!»).

 

Vidéo : « Wild Horses »

 

 

L’exil

Heureusement, les Stones surmontent cette année sombre et vont, au début des années 1970, écrire quelques-unes de leurs plus belles chansons. Deux albums se succèdent en 1971 et 1972 et resteront dans l’histoire de la musique. Sticky Fingers, avec sa célèbre pochette dessinée par Andy Warhol et ses titres suggestifs (BitchWild HorsesSister Morphine), est une référence directe à la drogue et aux filles.

Exile on Main Street est l’apogée du groupe. Composé et enregistré en France, sur la Côte d’Azur, il est suivi d’une tournée triomphante aux Etats-Unis. Le duo Jagger-Richards perd cependant de sa créativité avec l’addiction du guitariste à l’héroïne. Les autorités françaises refusent de le laisser entrer sur le territoire. L’album qui succède à Exile..., Goat’s Head Soup, est un échec, les compositions manquent d’inspiration.

 

Vidéo : Exil on Main St.

 

 

Heureusement, le groupe existe encore sur scène. Mick Taylor, le remplaçant de Brian Jones, décide d’abandonner le groupe en 1974 et est remplacé par Ron Wood. Certes moins bon guitariste, Ron Wood possède «l’esprit» Stones, mais ne parvient pas à leur redonner l’inspiration musicale.

A partir du milieu des années 1980, les tensions entre les membres du groupe, en particulier avec Keith Richards, poussent Mick Jagger à tenter sa chance en solo. Il sort quatre albums entre 1985 et 2001. Des singles comme Dancing in the Street en duo avec David Bowie, Sweet Thing, ou encore God Gave Me Everything tirent leur épingle du jeu, mais l’essai se solde globalement par un échec.

 

Vidéo : « Dancing in the street » de Mick Jagger et David Bowie

 

 

Pierre polies

Si, dans les années 1960, le groupe fait sa réputation sur l’image «sexe, drogue et rock’n’roll», dans les années 1990, c’est plutôt le trio «jet-set, désintoxication et business lucratif» qui les caractérise. A partir de Steel Wheels (1989), un album qui marque un certain retour aux sources, les auteurs de Sympathy for the Devil font fi de leur posture rebelle pour épouser les circuits de l’industrie musicale moderne, en entamant la tournée des stades.

Le groupe capitalise sur ses vieux morceaux, à coup de best of ou de rééditions, comme le coffret Jump Back '71- ’91 (1993), Forty Licks (2002), un coffret peu élégant qui regroupe les 40 meilleures chansons du groupe, Rarities (2005) ou encore GRRR !sorti en grande pompe à l'occasion de leur cinquantième anniversaire, et qui ne contient que deux inédits. Quant aux albums originaux, Voodoo Lounge (1994), Bridges to Babylon (1997) ou A Bigger Bang (2005), ils sont inégaux, et malgré deux ou trois chansons excellentes, passent vite inaperçus.

A chaque interview, les membres du groupe revendiquent ne boire que de l’eau, comme Mick Jagger, ou du thé, comme Keith Richards. Mieux, ils l’assument. Ils profitent de leur vie de famille et apprécient une existence loin des frasques de la ville : Mick Jagger est devenu châtelain, à Pocé-sur-Cisse, près d’Amboise, en Touraine, et est un père exemplaire. On a connu plus rock’n’roll comme attitude, certes, mais il faut bien que vieillesse se passe !

 

Vidéo : "Miss You", les Stones se lancent dans le disco

 

 

Dans l’œil de Scorsese

C’est pour capter l’indescriptible énergie de ces prestations scéniques, sur lesquelles ils ont bâti leur renommée et assis leur longévité, que Martin Scorsese a voulu immortaliser un concert des Rolling Stones. Avec l’ambition à demi-avouée de vouloir en percer le mystère.

Le résultat s’intitule Shine a Light. Soit 122 minutes qui restituent deux soirs d’un récital exceptionnel que les Stones ont donné, une fois n’est pas coutume, dans le cadre intimiste du Beacon Theatre de New York, et non pas dans un stade bondé.

«Un rêve de toujours» pour ce monstre sacré du septième art, dont la filmographie est jalonnée par les morceaux de la formation londonienne. A titre d’exemple, Gimme Shelter, dont l’introduction est devenue, à l’instar de celle de While My Guitar Gently Weeps des Beatles, l’une des plus fameuses de l’histoire du rock, figure sur la bande originale de trois de ses films (Les affranchis, Casino, et Les infiltrés).

 

Vidéo : Les Rolling Stones filmés par Martin Scorsese

 

 

« Like a rolling stone »

Malgré cette histoire en dents de scie, les Rolling Stones ont une constante : leur public ; et si le groupe demeure fidèle à ses origines, c’est essentiellement grâce à la scène. Chacune de leur prestation dégage une énergie folle, un amour du rock et des envolées de guitare, et surtout plaisir d’être là, tout simplement.  Il faut voir le sourire béat de Ron Wood, le guitariste, quand il entre sur scène, pour comprendre que cet alcoolique cyclique, dont les optimistes soulignent la volonté de s’en sortir, est le plus heureux des hommes quand il parvient à faire vibrer un stade.

Les albums qui n’ont pas marché ont souvent été suivis de tournées triomphales, à guichets fermés.  C’est encore le cas aujourd’hui : partout sur leur passage, les Stones sont ovationnés. Et contrairement à la chanson de Bob Dylan, Like a Rolling Stone (l’histoire d’une errance amoureuse, écrite en 1965, qui n’a aucun lien avec le groupe mais qu’ils ont pourtant reprise à leur compte), les pierres qui roulent ne cherchent pas leur voie ; ils l’ont trouvée depuis déjà très, très longtemps.

 

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