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Johnny allume le feu, Paris retient la nuit

Philippe Labro, écrivain, cinéaste et journaliste. [THOMAS VOLAIRE ]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour DirectMatin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

 

LUNDI 17 JUIN

Il est 11 heures du matin à Paris, et c’est la nuit noire. Dans les immeubles de bureaux, le personnel a quitté son travail et se tient devant les baies vitrées. Chacun sort son téléphone – «smart» ou pas – et prend un cliché de ce bref moment pour l’envoyer à celles et ceux qui ne l’ont pas vécu. Cela n’a pas duré très longtemps, mais cette vision d’une grande ville voilée d’un drap de deuil, sous une avalanche d’eau, avait à la fois quelque chose de poétique – et d’apeurant.

Vous vous souvenez de Blade Runner ? Ce puissant film de Ridley Scott, avec Harrison Ford, au cours duquel, pas un instant, les protagonistes n’évoluaient sous une lumière ordinaire ? L’histoire – de la fiction d’anticipation – baignait dans la pluie et le gris virant au noir, le noir virant à l’encore plus noir.

Le récit lui-même est basé sur un roman de Philip K. Dick : nous sommes à Los Angeles, en novembre 2019. Des robots organiques appelés «Replicants» sont aux prises avec des opérateurs spéciaux d’une police appelée les «Blade Runners». Le film sort en 1982, avec un succès commercial moyen à sa sortie – et puis, il devient vite «culte». Il a même été choisi pour être préservé au registre des films de la Librairie du Congrès des Etats-Unis, comme «culturellement, historiquement, esthétiquement signifiant».

Ridley Scott, entre autres inspirations, avait cherché dans les pages de Métal Hurlant (le magazine français) avec des dessins de Moebius. Tout cela se serait passé en 2019 – me dites-vous ? Mais, ce n’est pas si loin que cela, 2019 ! Et si le noir de la fiction devenait notre réalité ?

Pour oublier une telle perspective, un rappel de la belle soirée des 70 ans de Johnny Hallyday, samedi 15 juin, à Bercy. L’intéressant n’est pas seulement le succès sur place – les spectateurs étant, naturellement, des inconditionnels, mais le score atteint par la retransmission en direct sur TF1 : 5,8 millions de téléspectateurs avec 29,7 % de parts d’audience. C’est gros.

Une téléspectatrice dit : «Chanter et bouger comme il le fait, avec cette impression que, comme il le dit lui-même, il avait toujours “20 ans”, m’a émue. Je n’étais pas particulièrement une fan, mais, là, il m’a convaincue. La voix. L’énergie. La présence.» Je ne suis pas surpris, car je connais la capacité de rebond de l’artiste, qui se trouve être un ami. Je m’en réjouis, sachant à quel point il a besoin de la scène, de ce que l’on appelle le «spectacle vivant» et au cours duquel il donne tout ce qu’il possède : la passion et le talent.

 

MARDI 18 JUIN

Déjeuner avec Jim Hoagland, confrère américain de passage à Paris. Cet ami de longue date, élégant dans son costume-cravate, puisqu’ayant rencontré en une demi-journée deux des plus influents ministres de la République, possède une expérience approfondie des affaires étrangères – il signe de sérieuses et claires analyses dans le Washington Post – qui lui valurent par deux fois le prix Pulitzer.

Nous parlons de tout : la France, Obama, la Turquie, l’Iran – et il reconnaît que la venue au pouvoir d’un «modéré», cette victoire inattendue de Hassan Rohani offre (enfin peut-être ?) une occasion de détente dans les rapports de l’Iran avec le reste du monde. Mais je le sens prudent. Les grands observateurs (d’où qu’ils viennent) ont, désormais, sur tous les changements qui interviennent dans l’arc méditerranéen, la vaste part du monde qui va des côtes de Turquie jusqu’au Maroc, une certaine tendance à ne plus s’emballer.

 

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