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L'Italie à vélo dépasse (presque) les autos

Des cyclistes dans une rue du centre de Milan, le 22 mai 2013 [Giuseppe Cacace / AFP] Des cyclistes dans une rue du centre de Milan, le 22 mai 2013 [Giuseppe Cacace / AFP]

Qui l'eut cru dans un pays aux embouteillages légendaires? Ces deux dernières années, les Italiens ont acheté plus de bicyclettes que de voitures, un phénomène dû à la crise, mais aussi à la prise de conscience qu'"une autre mobilité est possible".

L'écart, encore symbolique en 2011 (moins de 2.000 unités d'écart), s'est sensiblement accru en 2012 : 1,606 million de vélos achetés contre 1,402 million de voitures.

Avec un recul de 8,2% par rapport à 2011, les ventes de bicyclettes ont nettement mieux résisté à la crise que nombre d'autres secteurs, selon l'Ancma, la branche deux-roues du mouvement patronal Confindustria. A l'inverse, le secteur automobile s'est retrouvé pris dans ce que le bouillant patron de Fiat, Sergio Marchionne, qualifie de "Carmageddon", avec un effondrement des ventes de 20% en 2012.

Des chiffres qui reflètent une crise du pouvoir d'achat après près de deux ans de forte récession, mais pas seulement, estime Giulietta Pagliaccio, présidente de la Fédération italienne des amis de la Bicyclette (Fiab).

"La crise économique a eu des répercussions sur toute la vie des gens, y compris les déplacements. Mais c'est aussi une petite révolution en termes de style de vie. Nous rencontrons beaucoup de gens qui ont redécouvert ce moyen de locomotion, sa commodité, sa simplicité, sa rapidité pour les petits déplacements", affirme-t-elle.

Des cyclistes dans le centre de Milan, le 22 mai 2013 [Giuseppe Cacace / AFP]
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Des cyclistes dans le centre de Milan, le 22 mai 2013
 

Marquée par des décennies de lobby automobile appuyé, l'Italie est très en retard sur ses voisins en matière d'infrastructures publiques, surtout à Rome, ville "difficile", à la "politique de mobilité défaillante" et dans toute la partie méridionale en général, relève-t-elle. "Le pays est coupé en deux. Plus on va vers le sud, plus la situation est dramatique", déplore-t-elle.

Et pourtant, "les gens sont prêts à ce changement, même si bien sûr il y en a encore beaucoup qui ne réussissent pas à vivre sans auto, et iraient s'ils le pouvaient de la chambre à la cuisine en voiture. Les politiques en revanche sont très en retard, très craintifs, par peur de perdre des voix (...) sans vision urbaine à long terme", relève-t-elle.

Piero Nigrelli, directeur du secteur cycles à l'Ancma, trouve lui aussi "désarmant (de voir) à quel point les politiques n'ont pas conscience de la valeur de la bicyclette".

Il cite les 7 millions de cyclotouristes allemands, qui génèrent chaque année un chiffre d'affaires de 9 milliards d'euros. "En Italie, il suffirait de ressources modestes pour réaliser des pistes cyclables allant du nord au sud et d'est en ouest, et cela nous garantirait aussi la venue de touristes étrangers", relève-t-il.

Pour l'heure, dans la patrie du Giro, la bicyclette demeure souvent perçue comme un équipement sportif et non comme un moyen de déplacement.

Un frémissement se fait cependant ressentir, notamment à Milan, où le système de bike-sharing "Bikemi", inspiré du Vélib parisien, est de plus en plus prisé, et où de nouvelles pistes cyclables sont en cours de réalisation. Dans la capitale économique italienne, plusieurs boutiques proposent des vélos spécialement conçus pour la vie urbaine, comme le modèle britannique Bromton, repliable en deux coups secs, et muni d'une poignée pour être traîné derrière soi comme une valise.

L'évolution n'a pas échappé au célèbre fabriquant italien de vélos Bianchi. Le groupe, qui s'est fait connaître par ses équipes de coureurs professionnels, dont la légende Fausto Coppi, vend désormais aussi des vélos électriques.

"Les clients demandent maintenant des vélos +commuting+ (dédiés seulement aux déplacements, ndlr) hauts de gamme, ils cherchent un investissement de long terme. Cela accrédite l'idée qu'ils se détournent de l'automobile", relève Bob Ippolito, patron de Bianchi.

 
 

Pour Piero Nigrelli, l'Italie a tout intérêt à s'inspirer de la France, qui a réussi "à mettre les gens à vélo grâce à des événements éclatants" comme le Vélib' ou la Fête du Vélo. Mais elle devrait aussi jouer à fond ses propres cartes de "royaume du goût, du design et de la mode en présentant cette tendance comme un truc cool et innovant".

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