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Voyage au pays du son, chez les chercheurs de l'Ircam

Une salle de l'Ircam, le 25 mars 2013 [Eric Feferberg / AFP] Une salle de l'Ircam, le 25 mars 2013 [Eric Feferberg / AFP]

C'est un lieu enterré sous les sculptures colorées de la fontaine Stravinsky: dans des studios souterrains, isolés de la cohue du centre Pompidou, les chercheurs de l'Ircam décortiquent le son.

Ils sont capables aussi bien de participer à la création d'un opéra que de fournir à Renault la "signature sonore" d'une voiture électrique au moteur trop silencieux, ou de faire parler Depardieu avec l'accent anglais, grâce aux logiciels de pointe conçus dans leurs sous-sols.

Les micros pendent du plafond, des fils courent partout et les ordinateurs trônent au centre du studio. On est plusieurs mètres sous terre, pour une meilleure isolation, dans des studios construits sur vérins hydrauliques.

L'Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/musique) fondé par Pierre Boulez dans les années 70 était à l'origine entièrement souterrain, avant qu'une tour conçue par Renzo Piano émerge à l'angle de la Piazza en 1990.

Sa salle "Espro" à acoustique variable, de 300 places, permet aussi bien d'obtenir un son "cathédrale" avec beaucoup d'écho, qu'un son très "sec", sans réverbération. Cette boîte étanche sert de salle de concerts, de studio d'enregistrement et de lieu d'expérimentation.

Mais le plus étrange est sans doute la "chambre sourde" ou chambre "anéchoïque". On entre sur une étroite passerelle dans une boîte entièrement tapissée de sortes de pics de mousse. Et là... silence ! Les blocs de néoprène absorbent le champ sonore. Le silence est tel qu'on ressent presque un vertige, privé de l'ouïe qui participe à notre équilibre.

Le directeur de l'Ircam, Frank Madlener, dans la chambre "anéchoïque" de l'Institut, le 25 mars 2012 [Eric Feferberg / AFP]
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Le directeur de l'Ircam, Frank Madlener, dans la chambre "anéchoïque" de l'Institut, le 25 mars 2012
 

L'absence de réverbération permet de mesurer au plus juste le rayonnement d'une source sonore: voix, note de musique, etc. Des mesures précieuses pour modéliser les instruments et voix et pour pouvoir ensuite recréer les sons.

Car les 90 chercheurs de l'Ircam jouent avec les sons comme des magiciens: tel logiciel permet de transformer une voix masculine en voix féminine, de la vieillir, de moduler ses intonations, ou encore de produire à partir d'une voix historique des discours neufs. L'ordinateur peut recréer aussi bien la voix de Pétain que celle de Marilyn !

Thatcher et Pinochet

Des outils précieux pour le cinéma ou les jeux vidéo. Pour le film franco-britannique "Vatel" sur les derniers jours du cuisinier du roi Soleil, le réalisateur Roland Joffé a fait appel aux logiciels de l'Ircam pour donner les bons accents toniques à la voix de Gérard Depardieu en anglais, tout en gardant son timbre bien particulier.

"La danse, l'opéra, le théâtre, le cinéma, le jeu vidéo: tous les métiers artistiques sont maintenant concernés", explique Frank Madlener, le directeur de l'Ircam. Pour les jeux vidéo, l'institut a conçu un logiciel qui rend possible, à partir d'une voix, d'en produire vingt. Pour les agences de casting, un logiciel permet de trouver le candidat le plus proche de la voix célèbre recherchée.

Un nouveau département de design sonore prend de l'importance: dans notre environnement quotidien, les sons nous signalent de plus en plus que "ça marche", du distributeur d'argent au bouton de porte dans le train. Dans ce domaine de la signalétique sonore, l'Ircam a noué des collaborations avec Renault pour sa voiture électrique et avec la SNCF.

Pour découvrir ce royaume du son, on peut s'inscrire aux visites organisées ou assister aux concerts donnés par l'Ircam.

Un festival, "Manifeste", donne du 29 mai au 30 juin des créations auxquelles participe l'institut.

Une salle de l'Ircam, le 25 mars 2013 [Eric Feferberg / AFP]
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Une salle de l'Ircam, le 25 mars 2013
 

Oeuvre phare cette année, l'opéra "Aliados" (alliés), met en scène la rencontre en 1999 à Londres de Margaret Thatcher et Augusto Pinochet, alliés improbables contre l'Argentine en 1982 lors de la guerre des Malouines.

Le compositeur et fils d'exilés argentins Sebastian Rivas travaille depuis un an sa partition avec les outils numériques de l'Ircam, disséquant et reconstituant les voix des protagonistes. Le huis clos imaginé entre la Dame de fer et Pinochet sera donné à Gennevilliers du 14 au 19 juin.

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