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Le choix de BDSphère : les enfants du rail

Extrait de la BD "Le Train des orphelins". "Le Train des orphelins" plonge le lecteur dans une partie peu connue de l'histoire des Etats-Unis. [© Philippe Charlot et Xavier Fourquemin]

Avec le « Train des orphelins », Philippe Charlot et Xavier Fourquemin livrent un récit fort, dense et émouvant, mais sans pathos, sur un épisode peu connu de l’histoire des Etats-Unis.

New York, 1920. Hébergés dans un asile pour enfants des rues, deux frères Jim et Joey Smith sont pris en charge par la veuve d’un pasteur et désignés avec une dizaine de leurs camarades pour prendre place à bord du « Train des orphelins ». Celui-ci doit les emmener vers l’Ouest américain où ils commenceront une nouvelle vie dans les familles d’agriculteurs qui voudront bien les accueillir.
En chemin, ils se lient d’amitié avec Harvey, un garnement débrouillard qui n’a pas son pareil pour faire rêver ses camarades en leur racontant des histoires palpitantes.
Soixante-dix ans plus tard, un vieil homme un peu taiseux débarque à New York en provenance d’une petite ville de l’ouest et pousse la porte de l’administration où est archivée la mémoire du « Train des orphelins ». Il dit s’appeler Harvey Young et demande à consulter le dossier d’un certain Jim Smith…

C’est un pan peu connu de l’histoire des Etats-Unis que nous invite à explorer le scénariste Philippe Charlot. Au milieu du XIXe siècle, des milliers d’enfants, orphelins, abandonnés par leurs parents ou fuyant la violence du foyer familial, sont livrés à eux-mêmes dans les rues de New York. Naviguant entre une vie de débrouille sur le trottoir, les taudis sordides où ils se réfugient et les sinistres asiles qui leur sont réservés, ils constituent des proies faciles pour les truands et les proxénètes de tout poil.
Emu par cette situation, le révérend Charles Loring Brace, adepte de la théorie de Darwin, prend le pari qu’il est possible de sortir ces gamins de cet environnement dangereux en les envoyant dans les fermes reculées du Middle West qui manquent justement de bras. Il met ainsi sur pied un vaste programme de placement utilisant le train pour conduire les enfants qui, en contrepartie de leur prise en charge, doivent tirer un trait sur leur passé. De 1854 jusqu’à son abandon en 1929,  au moins 250 000 jeunes garçons et filles, tous blancs, vont ainsi être déplacés, empruntant ces convois qui les conduisaient vers une nouvelle vie, mais les séparaient aussi définitivement de leur famille, les privant ainsi de leurs racines et de leur identité.
Reflet des élans philanthropiques d’une société américaine alors en plein essor, le système partait d’une bonne intention, mais des dérives furent rapidement constatées. Les enfants étaient souvent considérés comme une main d’œuvre bon marché par les fermiers de l’ouest qui les choisissaient en fonction de critères physiques au cours de kermesses tenant davantage de la foire à bestiaux que de la cérémonie d’adoption. 

Longtemps, le souvenir de ce qui peut être considéré comme le plus important déplacement d’enfants de l’histoire de l’humanité a été occulté par les autorités du pays. Aujourd’hui, on estime leurs descendants à plus de deux millions de personnes. Ce sont autant d’Américains qui sont privés de leur mémoire familiale.
Chanteur et guitariste, Philippe Charlot a été informé de cet événement il y a plusieurs années par un couple d’amis musiciens texans. Lorsqu’il s’est lancé dans l’écriture de scénarios, l’histoire lui est revenue à l’esprit. Il en a tiré un récit fort et dense, qui est avant tout une réflexion sur l’identité. Renforcé par la palette aux couleurs chaudes de Scarlett Smulkowski,  le dessin fin et élégant de Xavier Fourquemin, aux visages expressifs, apporte la dose de légèreté bienvenue à cet album qui aborde un sujet douloureux avec émotion, mais sans pathos.

 
 
Le Train des Orphelins, tome 1, Jim, Philippe Charlot et Xavier Fourquemin, Grand Angle, 48 pages, 13,90 euros. 
 
 

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