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La semaine de Philippe Labro : Tarantino sous la neige, DiCaprio dans le vent

Philippe Labro, écrivain, cinéaste et journaliste.[THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

LUNDI 18 JANVIER

Parlons un peu cinéma, voulez-vous, ça nous changera des primaires et de la palanquée de livres écrits par ceux qui vont se porter candidats.

Les Oscars seront décernés le 28 février prochain à Hollywood. Il semble que The Revenant, incarné par Leonardo DiCaprio, ait quelques longueurs d’avance sur ses concurrents. N’ayant pas encore vu le film (il sort dans un petit mois), je m’en tiens à la bande-annonce. Ah ! les bandes-annonces ! C’est un produit dangereux. Elles sont tellement bien montées (rythme effarant, explosions, violence…) que, parfois, vous avez l’impression d’avoir vu le film avant de l’avoir, véritablement, vu. D’ailleurs, va-t-on au cinéma à cause de la bande-annonce ? J’oserais dire : on y va malgré elle. Combien de fois, en effet, à l’heure des bandes-annonces, n’ai-je pas entendu, derrière ou à côté de moi, dans la salle pas encore totalement obscure : - Ah, non, ça, j’irai certainement pas voir ça.

J’étais au huitième rang (c’est, pour moi, le meilleur), pop-corn en main, téléphone portable éteint, pour assister à une ultime représentation en 70 mm du dernier Tarantino (Les 8 salopards), la version la plus spectaculaire, filmée comme autrefois, en ultra-Panavision, ce qui confère aux images quelque chose de plus impressionnant, enveloppant, susceptible de vous plonger dans l’univers choisi par le cinéaste. La salle était pleine. Moyenne d’âge : 15 à 35 ans, avec une majorité d’hommes jeunes, vêtus de la même manière  – blousons noirs, jeans noirs, tous ou presque barbus tendance Gainsbourg. A en juger par le bourdonnement d’avant et après le spectacle, des fans, des initiés, des «tarantinophiles».

La presse a oscillé entre la figue et le raisin vis-à-vis de l’auteur de Pulp Fiction et Reservoir Dogs. Phénomène classique : arrivé à son huitième film, ce cinglé de cinéma devenu un personnage culte, se devait de connaître un purgatoire. Normal : aucun critique ne se contente d’applaudir à chaque fois. Il lui faut émettre des réserves sur celui dont il croit avoir contribué à faire une icône. On a donc lu : «trop long, trop bavard, trop d’hémoglobine.» Eh bien !, il m’a semblé, simple spectateur, seul aux cheveux gris de toute la salle de trentenaires barbus ou chauves (ça aussi, c’est mode : on se rase le crâne très tôt, de nos jours), il m’a paru que, contrairement à certaines moues boudeuses, le film est bon. Certes, c’est un peu long, un peu bavard, et les têtes qui éclatent comme des oranges et tomates sous les balles des pistolets donnent un sentiment de déjà-vu.

Sauf que Tarantino possède plusieurs atouts indéniables. Il sait tourner. Ses images de ce western sous la neige, puis dans le huis clos d’une auberge, sont belles, bien cadrées, et profitent du format 70 mm. Il sait «caster». Ses interprètes (Samuel L. Jackson, Tim Roth, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh) sont très bien choisis et crédibles, même (et surtout) dans l’auto-parodie. Les allusions aux grands «westerns spaghettis» (Sergio Leone, Sergio Corbucci) ou à d’autres westerns «neigeux» comme ceux d’André de Toth, le tout sous une puissante bande sonore (signée Morricone), font que l’on suit de bout en bout la parabole, la fable, la pièce de théâtre, avec plaisir.

En sortant, j’ai retrouvé le froid des Champs-Elysées, moins cruel que le blizzard glacé du Wyoming de Tarantino. Je me suis dit qu’il avait raison de clamer qu’il n’irait pas au-delà d’un dixième film. Les grands cinéastes dont il se réclame (Kubrick, Huston, Wilder, Hawks) ont toujours su passer d’un genre à l’autre. Si Tarantino ne change pas la formule de sa soupe, on finira par ne plus la boire. 

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