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Ken Loach : "une histoire remarquable"

Ken Loach, réalisateur de "Jimmy's Hall" Ken Loach, réalisateur de "Jimmy's Hall"[© Sixteen Films]

Deux ans après la comédie "La Part des anges", Ken Loach plonge dans l’Irlande des années 1930 avec "Jimmy’s Hall". Il y raconte le combat de Jimmy Gralton, une figure locale revenue sur ses terres après dix ans d’exil et qui rouvrit un dancing. Une histoire qui valait la peine d’être racontée pour le réalisateur du "Vent se lève".  

 

Comment avez-vous connu l’histoire de Jimmy Gralton?

Jimmy Gralton est le seul homme à avoir été déporté d’Irlande alors qu’il était Irlandais. Sans procès. Son histoire est remarquable. Peu de gens la connaissent. C’est Paul Laverty (scénariste fétiche de Ken Loach, ndlr) qui m’en a parlé. En discutant, on s’est dit que cette histoire méritait d’être racontée.  On a eu l’idée pour "La Part des anges" et pour "Jimmy’s hall" plus ou moins en même temps. Alors "Jimmy’s Hall" a dû attendre.

 

Que symbolise Jimmy Gralton pour l’Irlande ?

Il est un exemple frappant de ce qui s’est passé dans le pays. Alors que toutes sortes d’idées avaient émergé durant les événements qui ont conduit à l’Indépendance (1919-1921, ndlr), les espoirs de changement ont finalement été perdus. Certains voulaient construire un pays totalement différent, en faire un pays socialiste. Certains voulaient conserver la société comme elle était, en remplaçant quand même la classe dirigeante anglaise par la classe dirigeante irlandaise. Certains voulaient mélanger ces deux idées…

Jimmy a essayé de continuer à soutenir les pauvres contre les riches, à encourager la redistribution des terres… En le déportant, on a déporté ses idées.

 

Votre film est-il un moyen de réhabiliter son combat ?

C’est un moyen de raconter son histoire. Jimmy Gralton était un homme modeste. Il ne s’est jamais considéré comme un leader national. Il était juste une figure locale.

 

Comment est perçu le film en Irlande ?

Il divise l’opinion. Ceux qui se seraient opposés à Jimmy à l’époque sont ceux qui le rejettent aujourd’hui, et même chose pour ceux qui le soutiennent. Le film a généré les réactions auxquelles on s’attendait.

 

La figure de Jimmy Gralton dit-elle quelque chose de notre société ?

En 1932, l’Eglise contrôlait l’opinion. Aujourd’hui, l’opinion est tout aussi contrôlée, mais d’une manière plus sophistiquée. Les idées sont diffusées par les médias. C’est plus insidieux et déviant. Quelqu’un qui aurait quelque chose de différent à dire aurait sûrement la parole. Mais il serait vu comme quelqu’un d’excentrique, d’étrange. Ce genre de contrôle de l’opinion est très subtil, mais très présent.

 

Vous considérez-vous comme un réalisateur engagé ?

J’ai beaucoup d’idées sur la façon de résister. Paul Laverty essaie d’écrire des histoires de résistance aussi. Inévitablement, cela comporte un écho contemporain. Mais je ne me vois pas comme quelqu’un d’engagé. Je travaille, c’est tout. (rires) Je ne juge pas ma position. Ce serait un peu prétentieux.

 

Comment avez-vous choisi Barry Ward pour incarner Jimmy Gralton ?

Ce n’était pas évident de trouver quelqu’un pour interpréter un tel homme. On a cherché longtemps. Il était issu de la classe ouvrière, ce n’était pas un soldat. Il n’avait pas combattu pendant la Guerre d’Indépendance. Son combat passait par autre chose, par son gramophone, ses disques, ses actions pour la communauté, pour que les gens puissent se réunir. C’était un homme plein d’humanité. Barry nous a semblé capable d’interpréter toutes ces facettes.

 

Vous êtes un grand fan de foot, suivez-vous avidement la Coupe du monde ?

Je suis très inquiet. Les fans ne sont jamais heureux, ils sont toujours pessimistes. Il faut être pessimiste et avoir quelques moments d’optimisme.  

 

La rumeur disait que c’était votre dernier film. Avez-vous déjà des idées pour un prochain projet?

On a quelques idées Paul, Rebecca (O’Brien, productrice, ndlr) et moi. Mais après cinquante ans de labeur, on est tenté de laisser la place aux autres. Je peux encore faire beaucoup de choses, mais me lever tôt le matin commence à être vraiment très difficile. Si l’équipe veut bien démarrer après mon café, alors ça ira. Le problème est qu’il y a tellement de choses que je voudrais faire. Mais vouloir et pouvoir sont deux choses bien différentes.

 

"Jimmy’s Hall", de Ken Loach, avec Barry Ward, Simone Kirby et Jim Norton. En salles.

 

La bande-annonce de « Jimmy’s Hall » :

 

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